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HISTOIRE

tion. Le club de la Fraternité avait décidé de ne pas se rendre à la manifestation et d’envoyer des délégués au gouvernement provisoire pour l’assurer de son dévouement[1]. Le club de M. Cabet désapprouvait la conspiration. Au club de M. Barbès, on tenait en suspicion les menées de M. Blanqui. M. Pierre Leroux, arrivé la veille du Berry, et qui avait vu MM. Ledru-Rollin, Louis Blanc, madame Sand, etc., augurait mal d’une manifestation dont les éléments lui semblaient si confus. Très-inquiet cependant de la tournure que prenaient les élections dans les départements, il venait avertir le ministre de l’intérieur que si l’on n’avisait pas au plus vite, la révolution serait étouffée par une Assemblée réactionnaire. Il proposait, dans ce péril pressant, un moyen qui, pour être différent du plan des conjurés, n’en était pas beaucoup plus praticable ; il voulait que l’on rapportât sur l’heure la loi électorale, que l’on formât un conseil d’État composé des principaux chefs du socialisme et du radicalisme, et que le ministre soumît à leur approbation un projet de loi électorale, imité du plan de Saint-Just, d’après lequel tous les électeurs, votant sur toutes les candidatures, les neuf cents candidats qui obtiendraient le plus de suffrages formeraient l’Assemblée nationale. Mais ni M. Ledru-Rollin ni M. Louis Blanc n’avaient goûté cette proposition. Ce dernier ne concevait pas la moindre inquiétude sur l’esprit de la future Assemblée. Il pensait qu’une fois réunie à Paris, elle se sentirait trop dominée par la force populaire pour oser agir contre la République. Il voulait, d’ailleurs, rester dans la légalité, au moins relative, du gouvernement, et se sentait engagé d’honneur à ne pas revenir sur les décisions prises en conseil. M. Ledru-Rollin était, lui, plus soucieux de l’avenir. Informé par ses commissaires, il savait que sa politique recevrait aux élections un échec considérable. Cependant, il refusait de revenir sur la loi, ne voulant pas se séparer de M. de Lamar-

  1. Rapport de la commission d’enquête, v. II, p, 105.