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HISTOIRE

dru-Rollin, auquel il attribuait à tort les retards apportés à l’habillement de ses bataillons en blouse. M. Marrast, tout en cherchant son principal point d’appui dans la garde nationale, n’était pas exempt d’inquiétudes sur ses dispositions. Il faut se rappeler que le décret du 25 février, en appelant tous les citoyens à en faire partie, l’avait complétement renouvelée. L’ancien effectif des légions (56,751 hommes) était porté à 190,299 hommes. Les ouvriers y étaient conséquemment en majorité[1]. À l’élection des officiers, on avait posé aux candidats une question captieuse à laquelle la plupart avaient répondu en termes évasifs ou ambigus : « Si l’Assemblée nationale n’était pas avec nous, disaient les chefs de clubs, marcheriez-vous contre elle ? » On comprend que la majorité du conseil ne devait pas se sentir très-solidement appuyée sur une garde civique à laquelle on avait imposé un pareil programme. M. Marrast, en sa qualité de maire de Paris, était chargé de présider à la reconnaissance des officiers. Il en prit occasion pour les rassembler fréquemment, les haranguer, s’ouvrir plus ou moins, selon qu’il les trouvait disposés, sur les attaques projetées contre l’Hôtel de Ville et sur la nécessité d’une défense énergique de la société. Parlant, tantôt vaguement, tantôt d’une manière précise, du jour prochain où la lutte ne pouvait manquer de s’engager entre les communistes et les républicains modérés, défenseurs de la famille et de la propriété, il les animait, il les préparait au combat.

Dans les rangs de la garde mobile, il n’était question aussi que de se battre. Contre qui ? On ne le savait pas trop, et, à vrai dire, on ne s’en inquiétait guère. Depuis quelque temps on avait des fusils de munition, les gibernes étaient remplies de cartouches, on savait à fond l’exercice et le maniement des armes, on exécutait des charges et des feux avec une précision admirable, la caserne paraissait fasti-

  1. Dans les premiers jours d’avril, 60,000 ouvriers des ateliers nationaux furent, par les soins de M. Marie, inscrits sur les nouveaux rôles.