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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

délibérations perdirent leur intérêt ; les procès-verbaux s’amassèrent sans établir aucune preuve matérielle ; bientôt le cours des événements qui se pressaient entraîna les accusateurs et l’accusé dans une même déroute politique.

M. Blanqui, cependant, après le premier étourdissement causé par un si rude coup, avait compris, avec son grand instinct, qu’au lieu de chercher à se disculper auprès d’hommes aussi fortement prévenus que MM. Barbès, Lamieussens, Martin Bernard, etc., qui avaient fait partager leur opinion à la presque totalité du tribunal d’honneur, il fallait faire diversion, agiter les ouvriers, les entraîner à un coup de main, se montrer plus révolutionnaire que pas un de ses accusateurs et reprendre ainsi l’avantage que donne infailliblement, dans l’estime des masses, l’action sur la parole, l’audace sur la circonspection.

Redoublant autour de lui le mystère, qui était un de ses principaux moyens de fascination, il ne resta plus en communication qu’avec un petit nombre d’hommes tout à lui, dont la confiance n’avait pas été même effleurée et dont l’ardeur s’était encore accrue du désir de venger l’honneur outragé de leur chef. À l’aide de ces hommes très-actifs et constamment en rapport avec les ouvriers, il excita partout le sentiment de crainte que donnait l’approche des élections. Il fit dire, répéter, démontrer que l’Assemblée nationale ne serait composée que de royalistes et que, si l’on ne prévenait pas sa réunion, c’en était fait de la révolution et de la République. De la sorte, il tenait les esprits en

    non-seulement le style de Blanqui, mais jusqu’à certaines locutions non usitées, dont il faisait fréquemment usage. La défense de M. Blanqui portait sur ce que la pièce était controuvée. Quelques-uns de ses amis admettaient l’hypothèse que sa femme avait pu, dans un moment de faiblesse, acheter la vie de Blanqui à son insu par cette communication. Le plus grand nombre ne voulait voir dans la publication de M. Taschereau qu’une manœuvre de la réaction pour perdre un ennemi dangereux, et la popularité de M. Blanqui n’en souffrit pas d’atteinte sérieuse.