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HISTOIRE

et demandait des armes. Mais M. Ledru-Rollin, ce jour-là et les jours suivants, malgré les instances de M. Caussidière et des réfugiés, refusa de faire, comme ministre, aucune dépense irrégulière ; seulement, il promit d’user, en faveur de l’expédition, de son influence personnelle et d’accorder le transport gratuit des réfugiés. Bientôt M. Delécluze obtint de lui quelque chose de beaucoup plus compromettant : ce fut un ordre, expédié par le ministre de la guerre au général Négrier, commandant de la 16e division militaire, de délivrer au commissaire de la République, 1,500 fusils de l’arsenal de Lille pour l’armement de la garde nationale.

Pendant ce temps, les réfugiés abusés par M. Caussidière, qui exagérait beaucoup l’importance des témoignages de sympathie qu’on arrachait à M. Ledru-Rollin, s’apprêtaient au départ. Un ancien officier de cavalerie au service belge, nommé Fosse, organise avec l’assentiment du maire de Paris, dans des bureaux ouverts à cet effet à l’Hôtel de Ville, une colonne où l’on embrigade ouvertement des recrues. Une autre colonne était organisée par un marchand de vin de Ménilmontant, appelé Blervacq, qui communiquait directement avec le ministre de l’intérieur. La division ne tarda pas à éclater entre les deux colonnes dont les chefs s’accusaient mutuellement d’être des agents provocateurs aux gages de l’ambassade. Le fait est que, de manière ou d’autre, le prince de Ligne n’ignorait rien et que par lui le gouvernement belge connaissait avec exactitude le jour et l’heure où les deux colonnes insurrectionnelles, qui comptaient environ 1,200 hommes chacune, prenaient par le chemin de fer la route de Belgique. Soit trahison, soit étourderie, les wagons du convoi emportant la première colonne se laissèrent remorquer à Valenciennes par des locomotives belges qui les entraînèrent jusqu’à Quiévrain. Là, un bataillon de troupes belges les reçut au débarcadère ; et, après qu’on eut poliment reconduit les Français sur la frontière, on dirigea les Belges, dont plusieurs étaient des repris de justice, dans les prisons de leurs divers domi-