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HISTOIRE

toue, en vengeant par des atrocités exécrables l’humiliation de sa défaite.

Les cinq journées milanaises ont mis près de 1,000 de ses hommes hors de combat. Et ce n’est là, selon toute apparence, que le premier signal de ses désastres. De ces terres d’Italie qu’il foulait impunément depuis tant d’années de son pied lourd, et qu’il croyait, à les voir si mornes, ne plus receler aucune vie, jaillissent tout à coup, comme de cette vallée des sépulcres que traverse le poëte, des flammes ardentes. Venise, presque sans combat, délivre ses lagunes d’une odieuse présence. Brescia chasse sa garnison ; Parme et Modène se proclament en république. À Turin, le peuple frémissant force le roi à déclarer la guerre et le pousse, en quelque sorte, à la tête de son armée. Enfin, Pie IX laisse s’organiser sous ses yeux un corps de 20,000 hommes, prêts à voler au secours de la Lombardie[1].

Quel moment à saisir pour cette rivale de la vieille Autriche dont Frédéric-Guillaume guide les destinées, si l’âme étroite de ce prince pouvait s’ouvrir aux grandes ambitions ! Quel jour pour le chef de la maison d’Hohenzollern que celui où il voit les États d’Italie échapper à la maison de Hapsbourg, la Hongrie revendiquer fièrement ses droits historiques, et l’Allemagne, se détournant d’une fortune éclipsée, attendre, solliciter en quelque sorte de la Prusse une direction nouvelle ! Tout conspirait pour Frédéric-Guillaume, au dehors et au dedans. L’éducation parlementaire de la Prusse, très-avancée depuis quelques années, par la publicité des états provinciaux, par celle des débats judiciaires, par une certaine liberté de presse et de réunion et en dernier lieu par les états généraux, où des orateurs éminents avaient soutenu avec éclat tous les principes du droit constitutionnel, la rendait capable d’une

  1. Voir Cattaneo, Insurrection de Milan ; Pepe, Révolutions et guerres d’Italie.