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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

gage et se rangeait, en apparence, à la suite du mouvement qu’il espérait entraîner plus tard.

Les choses en étaient là quand le gouvernement autrichien promulgua en Lombardie la loi d’État (legge stataria) qui l’autorisait à faire rendre et exécuter ses jugements dans l’espace de deux heures : c’en était trop. La patience était à son terme ; un cri d’indignation éclata. À ce cri, répondit comme un écho le cri victorieux de la Révolution française.

Chose étrange et qui marqua sur l’heure une dissidence inaperçue jusque-là, le parti libéral ressentit plus d’inquiétude que de joie à la nouvelle des événements de Paris[1]. Ni l’influence française, ni les idées républicaines n’étaient sympathiques à la noblesse. Elle appréhendait de voir se rompre les négociations à peine entamées avec le Piémont et craignait dans Milan une insurrection dont le triomphe lui paraissait ou impossible ou redoutable.

Dans la population milanaise, l’agitation était extrême. Le bruit public annonçait tantôt l’entrée en campagne de l’armée piémontaise, tantôt l’arrivée à Milan de 40,000 fusils envoyés par Charles-Albert. Le maréchal Radetzki semblait, par toutes les mesures qu’on lui voyait prendre, se disposer à une lutte prochaine. Il concentrait des troupes sur la frontière du Piémont, faisait entrer dans Milan des régiments croates et tyroliens ; enfin, le 17 au matin, sur un ordre exprès venu de Vienne, l’archiduc vice-roi et le comte de Spaur, gouverneur de la ville, partaient pour Vé-

  1. Dans une dépêche adressée à lord Palmerston, le consul général d’Angleterre à Milan s’exprime ainsi : « La majeure partie de ceux qui ont quelque chose à perdre, presque toute la noblesse et les plus raisonnables dans la classe moyenne, considèrent ces événements avec frayeur. L’appréhension des effets possibles de ce qui s’est passé en France l’emporte en ce moment sur la haine contre l’Autriche. » Gioberti écrivait de Paris à ses amis politiques (3 mars) : « Quale è il péricolo più grave che ora sovrasti all’ Italia ? Quello d’imitare scioccamente i Francesi, e di far qualche moto per suistire alla monarchia la republica. » (Archivio triennale delle cose d’Italia, série I, v. I, 1850.)