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HISTOIRE

formes, donnée au Vatican, et qui eut son contre-coup en Toscane, en Piémont, dans le royaume de Naples, exaltèrent singulièrement les imaginations. Une presse clandestine, fondée par Montanelli en Toscane, et qui répandait par milliers les feuilles démocratiques, entretint l’agitation ; la diplomatie anglaise favorisait presque ouvertement, dans les Deux-Siciles surtout, cette propagande révolutionnaire[1]. Le clergé, encouragé par l’exemple du souverain pontife, laissait paraître son patriotisme et prêchait la révolte dans les campagnes[2]. La population des villes entrait en lutte avec la police ; des démonstrations, frivoles en apparence, mais très-sérieuses au fond, telles que l’abstention du tabac et de la loterie, montrèrent bientôt que la conspiration contre l’Autriche était en permanence, et que la plus merveilleuse entente, si ce n’est dans les idées, du moins dans la haine, animait tous les rangs et tous les partis de la nation.

Cependant l’opinion purement libérale, représentée par la noblesse, l’emportait en tous lieux, à Milan en particulier, où l’aristocratie, par ses largesses et par le concours du clergé exerçait sur le peuple une influence souveraine. Il eut été insensé au parti démocratique, connu sous le nom de jeune Italie, d’entamer avec elle une lutte aussi ouverte ; aussi ne l’essaya-t-il pas ; il se savait en trop petit nombre et trop discrédité par l’issue malheureuse de ses dernières tentatives insurrectionnelles. Bien que très-dédaigneux de l’opposition légale des patriciens milanais et peu confiant dans l’alliance piémontaise que ceux-ci cherchaient à renouer, il suppliait Mazzini de modérer son lan-

  1. La mission de lord Minto, en 1847, éveilla les appréhensions du cabinet russe et du cabinet autrichien. M. de Metternich, dans ses dépêches au comte Ditriechstein, ambassadeur à Londres (février 1848), se plaint de l’attitude du gouvernement britannique en Italie.
  2. Le maréchal Radetzki connaissait si bien cette influence du clergé qu’il fit défendre par un ordre du jour aux soldats de se confesser à des prêtres italiens.