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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

une vive acclamation l’interrompit à plusieurs reprises ; il fut décidé aussitôt qu’on enverrait à Vienne des députés, afin de demander, pour les Hongrois, l’autorisation de lever, à leurs propres frais, un corps d’armée de 50,000 hommes destinés à secourir l’insurrection polonaise. Seize comitats se joignirent en cette occasion au comitat de Zemplin. Ce premier succès donna au nom de Kossuth un retentissement dont lui-même, sans en être ébloui, sentit toute l’importance. Kossuth était déjà possédé alors d’une haute ambition. Il voulait ranimer le patriotisme magyar et former en Hongrie un parti politique pour défendre la constitution contre les empiétements arbitraires de la cour de Vienne. N’ayant ni rang, ni biens, ni fonction dans l’État, son unique moyen de conquérir l’ascendant sur les grands et sur le peuple, c’était son éloquence et le prestige qui s’attache à la célébrité. Il saisit, il multiplia en conséquence les occasions de parler dans les assemblées des comitats et réussit à se faire envoyer par eux, en 1832, à la seconde chambre de la diète, en qualité de député suppléant. Bien que cette position ne lui donnât dans les délibérations qu’une voix consultative, malgré la jalousie des magnats que l’éclat de son nom commençait à offusquer, il sut prendre, en plusieurs circonstances, une initiative très-heureuse qui marqua sa place à la tête du parti national. Ce fut lui qui, le premier, conçut l’idée d’adresser aux comitats des lettres circulaires où l’on rendait compte des discussions de la diète. Jusque-là, le pays n’apprenait le résultat des délibérations que par des résumés très-succints et très-inexacts donnés par la presse censurée. La pensée de Kossuth, en répandant, autant que le permettait la surveillance de la police, ces comptes rendus qui rappellent les fameuses Lettres de Mirabeau à ses commettants, était éminemment politique. Aussi le gouvernement autrichien ne tarda-t-il pas à en prendre ombrage, et la correspondance parlementaire fut interdite. Mais elle avait déjà porté ses fruits. L’opinion publique avait reçu une