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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

passe en réjouissances, et le lendemain matin la population, ivre de bonheur, lit sur toutes les murailles que les droits féodaux sont abolis, que la liberté de la presse est accordée, que la garde nationale va être organisée, que les condamnés politiques sont amnistiés, enfin que des états généraux sont convoqués, pour le 3 juillet prochain, dans la capitale de l’empire.

L’un des incidents les plus remarquables de cette révolution, ce fut l’arrivée de la députation hongroise dans la soirée du 15 mars. Quand le bateau à vapeur de Presbourg fut signalé, le peuple se porta en foule à la rencontre des envoyés de la diète et salua de ses acclamations ces nobles patriotes qui, les premiers, dans l’État autrichien, avaient revendiqué d’une voix virile le droit et la liberté. Vivent les Hongrois ! vive Kossuth ! vive Batthiànyi ! Ce fut pendant plusieurs jours le cri d’allégresse de la population viennoise. Kossuth, plus que tous les autres, excitait une curiosité sympathique. Il ne pouvait se soustraire aux empressements de la foule qu’étonnait une si grande et si jeune renommée, que charmaient sa beauté, sa grâce, et qui ne pouvait se lasser d’entendre sa parole éloquente.

Arrêtons-nous un moment pour saluer aussi cet homme extraordinaire que nous allons voir tout à l’heure susciter, pour une lutte inouïe, un peuple de héros, lui inspirer la sainte folie du sacrifice, et vaincu enfin avec lui, après des efforts prodigieux, paraître aussi grand dans la défaite que plus d’un conquérant dans tout l’éclat du triomphe.

Louis Kossuth (Lajos) est né, en 1802, d’une famille hongroise, protestante, dans un village du comitat de Zemplin. Son enfance fut bercée par la légende païenne et chrétienne de cette contrée fameuse qui vit se dresser la tente nomade d’Attila et s’arrêter, dans le neuvième siècle, sous la conduite de son chef Arpad, la première invasion de ces tribus asiatiques auxquelles le peuple hongrois se plaît à rattacher son histoire. L’imagination vive de Kos-