Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
HISTOIRE

de rébellion qui anime toutes ces campagnes ne pouvait manquer d’éclater de nouveau à la première occasion. Cette occasion fut la révolution de Février. Trois à quatre mille paysans, intrépides chasseurs d’ours, se répandirent dans le pays en commettant toutes sortes de dégâts. Le château de M. de Goulard, noble légitimiste, et quelques autres habitations furent brûlés ; il fallut envoyer deux régiments de troupes de ligne pour réduire les séditieux.

Entre toutes les villes importantes de France, c’est à Bordeaux que la révolution de Février devait rencontrer les dispositions les moins favorables. Ces dispositions se manifestèrent tout d’abord par une résistance passive, mais très-prononcée, à la proclamation de la République. L’opinion orléaniste était prépondérante à Bordeaux dans les classes aisées ; les ouvriers ne s’occupaient aucunement de politique. Ils avaient formé entre eux des associations de secours mutuels qui suffisaient, le travail n’ayant pas manqué depuis bien des années, à parer aux nécessités pressantes ; c’est à peine si l’on aurait pu réunir, à Bordeaux, une cinquantaine de républicains très-ignorés et dont l’influence était nulle à ce point qu’ils n’étaient pas même parvenus à avoir dans la presse un organe de leurs opinions.

Les autorités de Bordeaux, le préfet M. Sers, le maire M. Dufour-Duvergier, tous deux attachés à la dynastie d’Orléans, ne mirent aucun empressement à proclamer la république ; comme le peuple ne les y poussait pas et que la garde nationale était avec eux, ils demeurèrent en monarchie jusqu’à l’arrivée assez tardive de M. Ch. Chevalier, commissaire officiel du gouvernement provisoire.

M. Chevalier, publiciste assez peu connu, républicain de fraîche date, s’entoura des hommes de l’ancienne administration qui étaient ouvertement hostiles au pouvoir nouveau. Sa conduite alarma le petit nombre d’hommes qui composaient à Bordeaux le parti républicain. Ils adressèrent leurs plaintes à M. Ledru-Rollin et le déterminèrent à envoyer un commissaire général, M. Latrade.