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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

nistre le département. Après avoir destitué de sa propre autorité les membres présents, il paraît au balcon, harangue le peuple qui, dans cet intervalle, s’est rassemblé en grande foule sur la place, proclame la république et ordonne aux officiers, qui le regardent tout ébahis, de faire rentrer les troupes dans les casernes. À la préfecture, M. Jolly ne rencontre pas plus de difficultés. Le secrétaire général, apprenant ce qui se passait au Capitole, avait jugé prudent de s’éloigner en laissant les clefs à un garçon de bureau. Trois cents hommes du régiment d’artillerie, qui occupaient l’hôtel, ne firent pas mine de le vouloir défendre. Du 26 au 29 février, où le télégraphe apporta à M. Jolly la nouvelle officielle de l’établissement d’un gouvernement provisoire et sa propre nomination aux fonctions de commissaire, la ville de Toulouse demeura dans le plus singulier état qui se puisse imaginer. La république était proclamée, à la vérité, mais elle n’avait qu’une existence tout à fait abstraite, car, en cas de lutte, la petite minorité de la population qui l’aurait soutenue était sans armes et sans organisation. Depuis sept ans la garde nationale était dissoute ; tandis que le parti conservateur, s’il avait eu la moindre velléité de combat, disposait de 6,000 hommes de troupes régulières dans la ville et de 12 à 15,000 dans les environs. Les républicains eux-mêmes ne pouvaient croire à un si facile succès. Plus tard, quand les royalistes se vengèrent du dédain qu’on avait trop laissé paraître pour eux, ils oublièrent qu’ils devaient surtout s’en prendre à eux-mêmes de tout ce qui les avait blessés, et qu’une attitude plus ferme eût rendu les procédés dont ils se plaignaient absolument impossibles chez un peuple où le courage tient le premier rang entre toutes les vertus dans l’estime publique.

Cependant M. Jolly se trouva bientôt dans une situation embarrassée entre le ministre de l’intérieur, qui désapprouvait formellement les destitutions, les suspensions, toutes les mesures conformes au vieux programme de