Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
HISTOIRE

ils envoyèrent à M. Arago une députation pour demander, au nom du peuple et de l’armée, que les corps de la garnison, dont le départ était fixé au lendemain, restassent jusqu’à l’arrivée du sous-officier, afin de prendre part à l’ovation qu’on lui préparait. M. Arago, tout en essayant de leur faire entendre la nécessité d’obéir aux ordres précis du gouvernement provisoire et de ne pas entraver la formation de cette armée des Alpes qui va sur la frontière défendre la patrie, accorde aux clubs, un délai de vingt-quatre heures.

Le lendemain, le fourrier Gigoux arrivait à Lyon. Une foule innombrable, qui l’attendait sur la place de l’Hôtel de Ville, demande à grands cris qu’il paraisse au balcon ; lorsqu’il se montre entouré des autorités municipales, une acclamation immense le salue à plusieurs reprises. Quand le calme est rétabli, Gigoux prend la parole. À la surprise universelle, il harangue la foule du ton le plus modéré ; il recommande au peuple le bon ordre, le respect à la loi ; puis, s’adressant particulièrement aux soldats, il les supplie de rentrer dans leurs casernes et de faire acte de soumission à leurs officiers. Il insinue même qu’il regrette d’avoir donné lieu, par un moment d’oubli de la discipline, à ce qui se passe. Sans trop s’arrêter au sens de son discours, la multitude bat des mains, crie : Vive Gigoux ! et une heure après, une marche triomphale parcourt les rues et les quais de Lyon en célébrant, en quelque sorte malgré lui, le héros involontaire et repentant de l’indiscipline.

À la suite de cette journée, qui se termina par la mise en liberté de tous les soldats détenus au pénitencier militaire, le colonel du 4e régiment d’artillerie donna sa démission, et le général Bourjolly sollicita un changement de commandement.

Le commissaire commençait aussi à se décourager ; il désespérait d’amener une conciliation entre la population ouvrière qui s’exaltait de plus en plus, et les partis conservateurs qui, au lieu de seconder l’action du gouverne-