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HISTOIRE

ment expier à la garde municipale la faute du gouvernement[1].

Dans les Champs-Elysées, les rassemblements ne lâchaient pas pied, malgré des charges répétées. Les enfants du peuple huaient et sifflaient la garde municipale ; quelques-uns lui lançaient des pierres. Se retranchant derrière les fossés, les troncs d’arbres, les chaises amoncelées, ils narguaient la troupe. Les dragons passaient au petit galop en riant et ne faisaient point de mal ; mais les-gardes municipaux frappaient sans pitié et opéraient des arrestations nombreuses. Quant à la troupe de ligne, elle assistait, encore immobile, l’arme au bras, à ces préludes de la lutte. Vers trois heures, une bande d’ouvriers, drapeau en tête et chantant la Marseillaise, déboucha dans l’avenue Marigny, tout près d’un corps de garde dont les soldats surpris n’eurent pas le temps de fermer les grilles. Ne voulant point faire usage de leurs armes, ils évacuèrent le poste. Un ouvrier y planta son drapeau. Les enfants accoururent à ce signe de victoire et mirent le feu à la maisonnette de planches ; mais bientôt la troupe revint en force sur ce point, la foule se dispersa de nouveau sans essayer de résistance sérieuse. Sur la rive gauche, la fermentation n’était pas moins grande ; une bande d’insurgés, parmi lesquels se trouvaient des étudiants de l’École de droit et de l’École de médecine, se porta vers l’École polytechnique pour engager les élèves à venir se joindre à eux. On espérait que l’École polytechnique se signalerait comme en 1830 ; mais elle montra cette fois des dispositions beaucoup moins révolutionnaires[2].

  1. Quand le silence fut rétabli sur la place, on entendit tout à coup retentir de joyeuses fanfares, exécutées par la musique d’un régiment de chasseurs qui gardait la Chambre des députés. M. de Courtais, s’étant approché du colonel, lui reprocha l’inconvenance de ces marques d’allégresse à un pareil moment, et la musique cessa presque aussitôt ; mais une impression pénible avait été produite. Les cœurs étaient serrés, les esprits pleins d’angoisse ; tous les bons citoyens accusaient le pouvoir ; tous donnaient en secret raison au peuple.
  2. Les élèves restèrent et se soumirent à la consigne rigoureuse qui