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Dulaure[1] signale encore l’existence d’un procès intenté, dans les premières années du dix-huitième siècle, contre les chenilles qui désolaient le territoire de la petite ville de Pont-du-Château, en Auvergne. Un grand vicaire, appelé Buriu, excommunia ces chenilles et renvoya la procédure au juge du lieu, qui rendit une sentence contre ces insectes et leur enjoignit solennellement de se retirer dans un territoire inculte qui leur était désigné.

Ces procédures n’étaient pas seulement suivies en Europe, mais leur usage s’était propagé jusqu’en Amérique. On y fulminait l’excommunication contre des oiseaux et contre des insectes

    ainsi « il est constant, dit un de nos plus célèbres jurisconsultes, qu’autrefois les officiaux excommuniaient les débiteurs lorsqu’ils ne satisfaisaient point leurs créanciers à jour préfix. Et quoique les canonistes crussent qu’il n’était pas permis de se soumettre par convention à la peine d’encourir les censures de l’Église, néanmoins le mauvais usage l’avait emporté sur la raison. » (M. le procureur général Dupin, Manuel du droit ecclésiastique français, p. 53.)

    « L’excommunication, dit aussi M. Faustin Hélie (Traité de l’instruction criminelle, t. Ier, p. 385), était l’arme habituelle de l’Église : après avoir commencé par l’appliquer aux coupables, par en châtier les crimes, elle s’en servit pour la défense de ses intérêts, pour étendre ses pouvoirs ; puis elle en frappa les magistrats qui résistaient à ses prétentions ou n’apportaient pas assez de zèle à les seconder. Cette mesure extraordinaire, qui jetait l’épouvante dans les populations, devint l’instrument le plus redoutable de la politique de Rome ; mais elle fut à la fois la base la plus nécessaire de la justice ecclésiastique. Il est évident que cette justice, privée des peines temporelles, n’avait pas de sanction ni par conséquent de puissance réelle ; ce n’est que par le prestige des peines spirituelles qu’elle acquit passagèrement une suprématie qui s’évanouit à mesure que ce prestige s’effaça. L’excommunication fit toute la force des cours d’Église ; elles tombèrent avec elle. »

  1. Histoire de Paris, t. VII, p. 267, note 1