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ministre de la marine, qui a l’initiative dans les affaires de son département, le mémoire ou consultation qui prouve que la déportation sans jugement n’est pas autorisée par les lois de la Martinique. Le 29, j’ai produit à ce même ministre le mémoire qui prouve non-seulement que les hommes de couleur ne sont pas coupables de conspiration, mais que ce sont les créoles qui ont conspiré contre les personnes et les propriétés des hommes de couleur libres, et qui, par une lettre menaçante au gouverneur, par des assemblées séditieuses et par des arrestations spontanées et illégales, ont forcé M. le général Donzelot à céder, pour un moment, à cette effervescence, et à éloigner les hommes de couleur les plus riches et les plus influens de la colonie. Aucun ordre de déportation n’a été signifié ; on a même déguisé l’embarquement sous la forme d’un départ volontaire, et en leur expédiant des passe-ports ; les déportés seraient censés libres, si nous n’avions la preuve écrite des autorités de Brest qu’ils sont réellement détenus, ou sous la surveillance de la haute police.

J’ignore qui a pu donner de pareils ordres en France, où les personnes sont placées sous la protection des tribunaux, où nul ne peut être détenu sans jugement. S’il y avait quelque acte émané d’une autorité étrangère à la France continentale qui autorisât une pareille mesure, ceux qui l’exécutent aujourd’hui ne peuvent en refuser copie sans se rendre coupables de détention arbitraire, et sans encourir les peines prévues par les articles 119 et 120 du Code pénal, qui punissent de la dégradation civique tous fonctionnaires publics chargés de la police administrative ou judiciaire qui auront refusé de déférer aux réclamations tendant à constater les détentions illégales et arbitraires, et tous gardiens et concierges qui auront reçu un prisonnier sans mandat ou jugement des autorités compétentes.

Les déportés ont négligé jusqu’à présent de rendre plainte sur l’illégalité de leur détention. Confians en la justice du gouvernement de S. M., ils attendaient patiemment qu’il fût statué sur leur sort, lorsque tout-à-coup, le 24 juin, trente-sept d’entre eux, qui de Brest ont été transportés à Rochefort, ont reçu l’ordre de s’embarquer sur le Chameau, en rade de l’île d’Aix, et ont été enlevés, par la force, à la justice de la métropole, pour être dirigés sur le Sénégal, où ils supposent que l’on veut étouffer leurs justes plaintes, au lieu de les faire juger comme ils le demandaient s’ils étaient coupables.

Informé le 29 de cet acte extraordinaire, qui m’a d’autant plus surpris qu’à deux différentes reprises j’ai reçu des bureaux du ministère de la marine l’assurance verbale que le sursis était accordé et qu’il n’y avait rien à craindre, je me suis empressé