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particulière, et qui ne peut se manifester que sous une forme authentique.

« Il n’en fut pas de même des lettres de cachet qui disposaient de la liberté de la personne ; celles-ci n’étaient pas adressées aux ministres de la justice ; elles trouvaient des exécuteurs dans ceux qui les délivraient, comme dans ceux qui les avaient sollicitées. Elles ne pouvaient exciter que les plaintes étouffées de leurs victimes ; les cours de justice n’en avaient connaissance que de loin en loin par quelque fait remarquable. Cependant jamais elles n’oublièrent leurs devoirs, et la persévérance de leurs représentations contenait, jusqu’à un certain point, l’abus de ces ordres illégaux. »

Jusqu’à Louis XIV les emprisonnemens arbitraires n’étaient pas devenus un mal permanent de nos usages et de nos mœurs. Ce monarque lui-même n’en approuvait pas le principe. « Je ne les établirais pas, disait-il, mais je les ai trouvées en usage, et j’en userai. » Il sortait d’un temps de troubles, et dans les commencemens de son règne il voulait user d’une autorité absolue ; quand elle fut affermie, il n’aurait pas eu besoin d’y recourir ; mais, lorsque ce monarque naturellement ennemi de la violence, mais égaré par un faux zèle de religion, commença à persécuter les protestans, on les accabla par des lettres de cachet ; tout ce qui parmi les religionnaires était soupçonné d’avoir du zèle, était ainsi frappé ; les autres étaient livrés à des lois plus terribles encore qui les envoyaient aux galères ; on séparait les époux ; on enlevait les enfans à leurs pères.

« Les lettres de cachet, dit l’auteur déjà cité, sont un terrible danger lorsqu’une classe d’hommes est tombée sous l’animadversion du gouvernement. Dans les victoires d’un parti sur un autre, elles ont rendu déserts les tribunaux pour peupler les solitudes du royaume. »