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d’absence, de rentrer chez lui et d’être, plus tard, revêtu de la charge de commissaire commandant de son quartier.

Pour rassurer les blancs, on désarma tous les hommes de couleur, à l’exception de ceux du 6e bataillon, parce que M. Dugué, leur chef, jura qu’il répondait des siens. Tout le monde obéit à cette mesure sage, ce qui n’empêcha pas les arrestations de continuer avec autant d’acharnement.

On sent combien ces arrestations donnèrent de moyens de satisfaire des vengeances particulières, et combien de débiteurs en crédit s’en servirent pour éloigner des créanciers importuns.

C’est ainsi qu’en moins de trois mois, la population des hommes de couleur fut décimée, dispersée et ruinée par une proscription en masse. Cet événement, dit-on, était prévu et annoncé d’avance ; la colonie devait être purgée d’un millier d’hommes de couleur. Le succès dans ce cas a dépassé l’espérance ; car les expatriations s’élèvent à plus de quinze cents personnes.

Tel est l’étât dans lequel se trouve aujourd’hui cette malheureuse colonie, que les navires du commerce ne s’y rendent plus : elle est comme en état de faillite. La secousse s’en est fait ressentir jusque dans la métropole ; et des maisons respectables de la capitale ont cru devoir en exprimer leur douleur dans la lettre suivante, qu’ils ont adressée le 14 mai à S. Exc. le ministre de la marine et des colonies[1]

  1. En voici les termes :

    Monseigneur, nous n’avons pas appris, sans de vives alarmes, la mesure dont viennent d’être frappés plusieurs des principaux négocians de la Martinique, nos correspondans. Si la déportaiion contre eux prononcée sans jugement, n’est pas révoquée, et s’il ne leur est pas permis de reprendre la direction de leurs affaires, ils seront inévitablement constitués en état de faillite, et des pertes énormes vont fondre sur nous.

    Si la déportation avait été prononcée par l’autorité judi-