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goëlette, peu d’instans après leur embarquement, ils s’empressèrent tous de porter des secours, et furent assez heureux pour l’éteindre, et préserver le bâtiment et son équipage. Au moment où ils recevaient des remercîmens sur leur dévouement, les créoles de Saint-Pierre les accusaient d’y avoir mis le feu.

Cependant le comité qui dirigeait toute cette affaire ne s’endormait pas : les arrestations continuèrent dans la journée du 23 ; il n’épargna pas même les personnes du sexe.

Parmi les douze déportés qui, après l’incendie, passèrent sur la Constance, se trouvait un respectable vieillard ; G. Saint-Aude connaissait, par une expérience de soixante armées, toute l’activité de la haine de la caste privilégiée. Il ne désespéra sans doute pas de la justice de V. M. ; mais craignant peut-être que cette justice ne fût tardive, ou que, rétabli dans la colonie, il ne fût exposé aux mêmes humiliations, et dans tous les cas hors d’état de réparer les pertes résultant d’une telle catastrophe, le désespoir le saisit ; et après avoir prédit à ses compagnons d’infortune une série de maux qui, sans doute, ne se réaliseront jamais, ce vieillard, dont la conduite avait été irréprochable, et dont les cheveux blancs inspiraient la vénération, se précipite, la nuit du 24 au 25 décembre, dans les flots, et disparaît pour jamais.

Pour ne pas perdre une victime, son fils fut arrêté le jour même où on lui apprit la mort de son père, et il fut déporté à sa place.

Après avoir ainsi substitué le fils au père, on pouvait bien arrêter le frère pour le frère. M. Sidney Descasse, instruit que des ordres avaient été donnés pour l’arrêter, se mit en lieu de sûreté ; M. Montrose Descasse, négociant à Saint-Pierre, fut arrêté à sa place, et déporté pour l’étranger.

Jusqu’alors il semblait que c’était une querelle de famille, et que la métropole serait chargée de re-