Page:Affaire des déportés de la Martinique, 1824.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tieux. Le soupçon d’un crime est-il donc le crime lui-même ? Et ne faut-il pas, pour qu’une condamnation soit légitime, qu’il y ait conviction entière, et que le doute ne soit plus permis ?

Quand Bisselte, Fabien, Volny ou les autres, auraient écrit le manuscrit avec l’épigraphe, Salus populi suprema lex esto, qui, en effet, a beaucoup de ressemblance avec la brochure sur la situation des hommes de couleur, en quoi seraient-ils coupables ? L’ont-ils publié ? Non, et dès-lors la pensée, elle-même, ne trouverait-elle pas grâce devant la justice coloniale ? Ce crime fut celui du fameux Sidney. Mais quelle est l’opinion de la postérité sur le jugement, qui a conduit cet illustre citoyen à l’échafaud ?

C’en est assez sur le trop célèbre arrêt du 12 janvier. Il n’est point, par lui-même, la preuve de l’existence d’une conspiration ; il la suppose, au contraire, et c’est parce que les magistrats abusés sont partis de ce faux point, qu’ils ont appliqué aux malheureux condamnés des peines effroyables, et que, nous n’en doutons pas, ils regrettent déjà d’avoir prononcées.

Tels sont les vices de l’organisation coloniale, que ceux qui ont échappé à la justice des tribunaux, ont été moins maltraités que Bissette et ses infortunés compagnons.

Les conspirateurs prétendus ont été éloignés de la colonie par une mesure administrative, et les simples distributeurs de la brochure ont été condamnés aux galères perpétuelles et à la flétrissure.

Si rien ne peut justifier l’illégalité de la déportation prononcée contre les supplians, ils ont du moins à s’applaudir de l’humanité de M. le gouverneur ; elle s’est manifestée jusque dans la personne des commandans des bâtimens du roi, et de leurs officiers, qui se sont vus avec peine transformés en geôliers de