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conspiré contre l’ordre établi, et contre le gouvernement du Roi.


Décembre 1823.
Monsieur le général,

« Depuis quelques jours, des bruits alarmans se répandent dans cette colonie ; nous paraissons menacés d’une commotion prochaine. Dans cette circonstance, nous croirions manquer au Roi, à notre pays et à nous-mêmes, M. le Général, si nous hésitions à faire connaître à V. Exc. les causes de l’agitation qui se manifeste.

« Les mulâtres[1] Mont-Louis Thébia et J. Ériché, sont arrivés depuis peu à la Martinique, de retour de France, ou ils avaient demeuré plusieurs années. Leur retour a été suivi, ici près, de faits qui excitaient l’indignation des habitans de ce pays. L’insolence du mulâtre Léonce[2] a été punie ; mais les distributeurs d’un libelle infâme, d’un écrit séditieux, le sont-ils ? Plusieurs mulâtres ont été pris en flagrant délit, en contravention à la loi, et ont été relâchés à l’exception de trois. Ces derniers avaient, dit-on, déjà signé une adresse[3], pour le bouleversement de la colonie ;

  1. Ces mulâtres sont des négocians propriétaires, qui ont 600, 000 fr. de capitaux, et qui sont en relations intimes avec les premières maisons de commerce de la capitale. Voy. ci-après, la note, p. 62.
  2. Léonce, négociant mulâtre, a été condamné à un mois de prison et à 1, 000 fr. d’amende, pour avoir eu chez lui une discussion avec Beaudu fils, négociant, au sujet de l’acquit d’une traite, et avoir élevé des doutes sur la solvabilité de cette maison. Les blancs se trouvèrent offensés en la personne de Baudu fils. Ils parurent armés aux portes du tribunal, vociférant la condamnation. Le tribunal, composé d’un seul juge, n’osa résister, et condamna Léonce comme mulâtre insolent. Il a été depuis déporté. Ce jugement (du 4 décembre 1823) ne précède que de huit jours les arrestations.
  3. Apparemment celle du 15 mai 1823.