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ils se sont rendus coupables, et celle-là est permanente.

Les blancs s’indignent de les voir industrieux et riches, et c’est par des proscriptions qu’ils voudraient reconquérir leur ancienne supériorité.

Les planteurs s’aperçoivent que pendant qu’ils s’appauvrissent dans l’oisiveté d’une vie abandonnée tout entière aux jouissances, aux voluptés, leurs rivaux élevent à côté d’eux des établissemens dont ils peuvent être justement jaloux.

Mais, comme le dit une bouche royale, la métropole qui a plus d’une fois réprimé les prétentions excessives des blancs, qui s’est plaint de leur insubordination peu corrigée, et quelquefois même soutenue par les gouverneurs[1], adoptera-t-elle leurs vues intéressées ? Quel gouvernement serait assez ennemi de lui-même et de ses administrés, pour les punir de ce qu’ils sont bons pères de famille, sujets fidèles, négocians habiles, et de ce qu’ils enrichissent la colonie et la métropole par leurs spéculations ?

Chose incroyable, si on n’en avait donné l’explication ! Plus la population des hommes de couleur augmente et s’améliore physiquement et moralement, plus le préjugé semble acquérir de force et d’empire ; c’est une preuve que ce préjugé est hypocrite. Les blancs eux-mêmes ne croient pas à l’infériorité des hommes de couleur, et c’est pour cela qu’ils craignent tant qu’on expose aux yeux du père commun des Français, le tableau des vexations autorisées par la législation locale.

On craint que V. M, suivant les traces de ses augustes prédécesseurs, ne fasse, par un acte de sa volonté souveraine, disparaître ces abus, en rappelant les édits de 1642 et de 1685 à toute leur vigueur.

Ce n’est pas que nous prétendions que tous les blancs qui résident aux colonies partagent ces cruels préjugés, qu’ils approuvent l’état d’humiliation où

  1. Louis XV ; mémoire d’instruction du 20 janvier 1765.