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destitué un tuteur pour avoir voulu marier sa pupille d’une manière non sortable, et a confié cette tutelle au procureur-général qui l’avait demandée. Un autre arrêt du 14 octobre 1726 a ôté à un mulâtre la tutelle d’une créole, attendu sa condition.

Une ordonnance du 17 avril 1762, a été jusqu’à défendre, sous peine de 1000 fr. d’amende (apparemment dans une famine), aux boulangers, de vendre du pain aux gens de couleur, et aux capitaines des bâtimens du commerce, de leur céder des farines sous les mêmes peines, avant que les blancs fussent approvisionnés.

L’édit de Louis XIV déclare les hommes de couleur libres capables toutes successions et donations ; et par un arrêté colonial[1] du 6 brumaire an XIII, art. 3, qui a fait revivre une ordonnance du 5 février 1726 (laquelle était temporaire), ils ont été privés de cette capacité, qui est purement de droit civil. Il en résulte que des enfans de couleur sont exhérédés de la succession de leur père au profit de collatéraux au douzième degré, parce que ceux-ci sont blancs. Ainsi ce préjugé étouffe le cri de la nature[2] et tous les devoirs de la paternité.

Il semblerait que tous les enfans naturels devraient être rangés sur un pied égal ; eh bien ! ceux qui sont blancs succèdent à leur père ; ceux qui

  1. Il en est de même à la Guadeloupe. Arrêté du 7 brumaire an XIV, sur la publication du Code civil.
  2. L’un des déportés, le sieur Louis Anaclet, est porteur de pièces qui prouvent qu’un blanc, après avoir acheté la liberté d’un enfant naturel, ayant gardé ce titre par devers lui, revendit sept ans après ce fils à M. Lagende de Saint-Pierre, comme esclave, et céda le titre de liberté, au sieur Anaclet, dont par-là même, à défaut d’identité suffisante, la liberté n’est pas garantie. Anaclet ne doit, dit-on, sa déportation, qu’à cette circonstance particulière, parce qu’averti de son état précaire, il menaçait de se pourvoir devant le gouverneur contre la fraude de son vendeur.