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de la loi et le pouvoir reglementaire n’a qu’une action subalterne et subordonnée.

Nous savons, il est vrai, que la limite qui sépare le pouvoir législatif du pouvoir réglementaire est souvent difficile à fixer ; mais, dans l’espèce, il ne peut se rencontrer aucune incertitude. Il s’agit de l’établissement d’une compétence sur la liberté des hommes et sur leur état civil et politique, et jamais un pareil objet n’a pu être du domaine d’un simple réglement. Pour créer des compétences, des formes, des peines, il faut une loi. Un réglement est, en pareil cas, tout-à-fait impuissant à rien établir de nouveau comme à rien abroger ou modifier de ce qui est établi.

Nous n’hésitons donc pas à penser, sous ce premier rapport, que l’acte du 10 septembre 1817, même en lui accordant le caractère de réglement d’administration publique, n’a pu attribuer au gouverneur le droit de déporter dictatorialement les habitans de la colonie, parce qu’un pareil pouvoir ne pouvait être constitué que par une loi, et qu’il fallait une loi aussi, c’est-à-dire un acte de souveraineté, pour abolir les actes de l’autorité souveraine de l’ancien régime qui défendent au gouverneur de s’attribuer en aucun cas l’exercice du pouvoir judiciaire.

2°. Mais l’acte du 10 septembre 1817 paraît bien plus impuissant encore à établir un pareil état de choses, lorsque, considérant sa forme, on se convainct que ce n’est pas même un règlement d’administration publique, un acte de l’autorité royale, mais un simple acte ministériel.

Cet acte est bien intitulé Au nom du roi, et le ministre qui l’a signé annonce bien dans le préambule que Sa Majesté a jugé convenable d’en ordonner les dispositions sous forme de décision ; mais la signature du roi n’y est pas apposée, et cette formalité essentielle pouvait seule certifier authentiquement cet acte comme émané de l’autorité royale.