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donc jamais que dénoncer et traduire devant le pouvoir supérieur de la métropole la personne de celui qu’elle retranche provisoirement de la société coloniale.

Il serait impossible de concilier avec les plus légères notions d’un gouvernement régulier le pouvoir de déporter définitivement, sans jugement, deux cent soixante personnes libres, tel que cela vient d’arriver à la Martinique.

Un tel pouvoir serait, par le fait, supérieur à la puissance royale dont il émane cependant. Il serait sans responsabilité au respect des victimes de ses actes arbitraires, car il les mettrait, par le choix du lieu de la déportation, dans l’impuissance réelle de réclamer, tandis que la royauté ne peut agir que par des fonctionnaires responsables. Il condamnerait sans formes judiciaires, tandis que le roi ne peut jamais juger, ni intervertir l’ordre des juridictions. Il opérerait par des déportations en masse sur la population coloniale, tandis que la royauté de la métropole ne peut jamais influer que par des jugemens individuels, par des punitions graduées selon la culpabilité, par des magistrats de son choix dans leur institution mais indépendans dans leur action. Le gouverneur de la colonie en serait le despote, et le roi de France n’en serait que le monarque constitutionnel.

Assurément l’acte ministériel du 10 septembre 1817, ne peut avoir créé ce pouvoir gigantesque. Si l’on peut en extraire une autorisation pour des mesures de police contraire à notre droit public, c’est indubitablement avec les conditions nécessaires,

1°. De soumettre au pouvoir supérieur de la métropole la confirmation ou la rétractation de la mesure.

2°. De mettre la victime d’une telle mesure arbitraire en état de faire personnellement accueillir ses plaintes contre l’exercice ou l’abus du pouvoir colonial.