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car sans jugement légal il n’y a jamais qu’un soupçon. C’est au jugement légal exclusivement qu’appartient la puissance de convertir le soupçon en conviction.

L’administration ne peut donc imprimer à la déportation tout au plus que le caractère de mesure préventive. Cependant si elle lui faisait produire un effet indéfini quant au lieu où elle déporterait ou quant à la durée de la déportation, elle commuerait la mesure préventive en châtiment. Le soupçon conquerrait la même efficacité que le jugement, et cela s’appelle tyrannie.

Or, déporter ailleurs que sur le territoire de la métropole, c’est précisément commettre un de ces actes de tyrannie qui convertissent la mesure de police en punition et le soupçon en jugement.

C’est sur le territoire de la métropole qu’existe l’autoritlé supérieure qui doit juger l’administration elle-même dans l’exercice de ce pouvoir arbitraire.

C’est là que la plainte doit avoir la puissance de l’atteindre. C’est là que le soupçon qui osa proscrire sans jugement doit se justifier lui-même, par la nécessité du salut de la colonie, d’avoir violé le droit naturel et la loi commune.

C’est là que la mesure provisoire doit être révoquée, si elle n’est pas indispensable, tempérée par tous les allégemens, si elle était nécessaire, limitée dans sa durée parce qu’elle est essentiellement temporaire.

C’est là que le colon, aussitôt qu’il a touché du pied le sol de la mère-patrie, doit, comme un nouvel Antée, retrouver toutes les forces de la liberté pour combattre et pour vaincre le despotisme colonial dans ses excès ou dans ses erreurs.

C’est là que doivent le suivre tous les documens nécessaires au bill d’indemnité dont l’administration a besoin pour avoir attenté à la liberté civile qu’il est de son devoir de protéger.

Le soupçon de la police la plus arbitraire ne peut