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sont des Français, ce sont des sujets des Bourbons que l’autorité gouverne.

Si la législation des colonies était barbare à ce point, de mettre dans les mains d’un homme le pouvoir absolu, il faudrait en gémir ; il faudrait réclamer avec tout l’accent de l’indignation contre un aussi monstrueux écart de la civilisation moderne.

Enfin, il faudrait aussi que, jusqu’à son abrogation, cette législation, toute révoltante qu’elle serait, reçût son exécution ; car il y aurait loi. Mais en est-il ainsi dans l’organisation actuelle de nos colonies ? Non, sans doute, grâces à la sagesse, à l’humanité de nos rois ; et c’est avec raison que le Mémoire qui précède, leur rendant un juste hommage, montre les habitans de nos colonies moins paternellement gouvernés depuis les malheurs de la dynastie, qu’au temps de sa splendeur.

Non, le pouvoir arbitraire, dont les consultans sont victimes, n’a été remis par aucune loi, même coloniale, aux mains de personne. Personne n’a eu le droit de les bannir, de les déporter sans jugement ; et il est doux de reconnaître, au milieu de ce désordre, de cette calamité sociale, que le haut fonctionnaire de qui serait émané l’ordre qu’ils défèrent à la justice suprême du Roi, n’a pas consommé volontairement le mal qu’il s’agit de réparer ; son caractère connu, la douceur habituelle de son administration, non-seulement à la Martinique, mais partout où l’autorité lui a été confiée, exclut toute idée d’une rigueur gratuite de sa part. Il paraît avoir cédé à l’un de ces soulèvemens d’opinion, qui, dans les temps de l’anarchie coloniale, comme de l’anarchie au sein de la métropole, ont fait violence aux agens, aux dépositaires eux-mêmes de la puissance publique. Un excès de prudence l’a emporté chez lui sur le devoir de la fermeté envers et contre tous, et craignant un mal que l’une lui laissait entrevoir, il s’est rendu l’involontaire instrument de celui que l’autre aurait prévu.

Le Gouvernement du Roi qui, placé à une telle