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N° XLVII. Plaidoyer[1] de M. Isambert devant la Cour de cassation.

Messieurs, un ministre du roi ayant à s’expliquer sur le malheureux événement qui dans la colonie de la Martinique a donné lieu à plus de deux cents déportations, et à trois condamnations aux galères perpétuelles, a dit à la tribune nationale, le 17 juillet, que les infortunés que je défends aujourd’hui devant vous, étaient coupables, et qu’ils étaient condamnés.

C’est à l’opinion que ce ministre s’est formée de la décision, sous le poids de laquelle gémissent les demandeurs en cassation, qu’il faut attribuer le silence qu’il a gardé sur leurs réclamations successives, et sur leurs respectueuses suppliques.

Son Excellence a dit qu’elle n’avait vu nulle part qu’un condamné pût prétendre se soustraire au jugement qu’il a encouru par la raison qu’il était arrivé en France.

Ce langage, Messieurs, est conforme aux lois ; le ministre, ne pouvait s’immiscer dans la connaissance de cette affaire, que pour provoquer une grâce de Sa Majesté, s’il est vrai qu’il existe en effet des condamnations prononcées contre ceux que je défends.

Quant à nous, Messieurs, nous ignorons ces décisions ; elles ne nous ont jamais été notifiées ni même communiquées et lues ; tout ce que nous savons, c’est que nous sommes détenus ; c’est que nous sommes, selon la qualification qu’ont prise les autorités à notre égard, des déportés.

Vous le savez, Messieurs, après la mort et les travaux forcés à perpétuité, cette peine est la plus grave de toutes celles que les tribunaux criminels peuvent prononcer. Cette peine est perpétuelle ; elle s’étend à toute la durée de la vie. Celui qui enfreint son ban, est condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité.

Cette peine cruelle qui sépare le malheureux qui en est frappé, de sa famille et de son pays, est afflictive et infamante ; elle emporte la mort civile.

Si une telle peine a été prononcée contre nous, nous avons certainement le droit de connaître de quel tribunal elle émane, quels sont les juges qui ont signé la sentence, et si cette sentence a été rendue dans des formes régulières et légales.

Vous n’apprendrez pas sans surprise, que nous ignorons la forme, les traces, et jusqu’à la date de l’arrêt que nous subissons.

  1. Il n’a pas été prononcé, M. le président n’ayant pas cru devoir accorder la parole.