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Une réclamation même verbale des détenus était suffisante, quand même elle serait émanée d’un citoyen sans mandat, parce qu’il s’agit de l’ordre public, et du plus précieux droit des citoyens. C’est l’opinion du récent et savant commentateur du Code pénal, M. le conseiller Carnot ; — l’art. 119, n’exigeant l’emploi d’aucune formalité particulière, de procéder en pareil cas.

Vous avez reçu ma réquisition par écrit du 3. Dès ce moment, vous n’avez pu vous dispenser de faire dresser procès-verbal de la détention. Il ne vous suffirait pas de l’avoir dénoncée à l’autorité supérieure et d’en justifier, si préalablement le fait de la détention, et le nom des auteurs n’était constaté ; car par votre silence, ou par l’omission de cette formalité, vous laisseriez échapper le coupable ; la vindicte des lois serait arrêtée ; et la réparation à laquelle nous avons droit, retomberait sur vous.

C’est encore l’opinion de M. Carnot, sur cet art. 119. — S’il vous fallait des exemples de diligences faites par le ministère public, je vous citerais celui de M. Bellart, procureur-général à la Cour de Paris, qui, ayant connaissance qu’une dame de Cairon était retenue contre sa volonté, sur des apparences légales, dans une maison de femmes repenties, par autorisation du préfet de police, a fait constater l’état de détention, et elle a recouvré de suite sa liberté.

On doit agir de même dans les cas analogues, quelle que soit la qualité de ceux qui ordonnent la détention ; ce sera ensuite au Roi, éclairé dans sa justice, à voir si des poursuites judiciaires peuvent être refusées, à l’égard des fonctionnaires prévaricateurs.

Quant à vous, Monsieur le procureur du Roi, il ne vous appartient pas, à cet égard, de pressentir l’opinion du Monarque et de son Conseil ; et comme aux termes du décret du 9 août 1806, je suis obligé de justifier devant le Conseil-d’État saisi de la demande de mise en jugement, d’une information régulière, je vous prie de me mettre à même de justifier de l’accomplissement de cet te formalité. La délivrance du mandat est seule interdite aux tribunaux.

Veuillez bien réfléchir que la publicité est le droit de mes cliens, et que c’est en ce moment leur unique moyen de défense contre une séquestration que je soutiens illégale, et qui doit paraître telle à vos yeux et à ceux de tous les magistrats qui rendent la justice au nom du Roi ; si vous ne vous croyez pas assez fort pour agir, écrivez-en à M. le procureur-général du ressort ; je vais, moi-même, m’adresser à la Cour royale de Poitiers.

Les individus des colonies sont des Français ; ils ont touché la terre de France ; toute mesure extra judiciaire a cessé