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mer, et peut-être faire périr des Français ? Non sans doute votre compétence est établie par la loi, et vous connaissez trop bien vos devoirs, pour ne pas instruire sur des faits aussi graves, sauf à saisir plus tard le coupable.

La question change-t-elle de nature, parce que ce sont des fonctionnaires administratifs qui ont agi ? Non certainement ; l’art. 119 du Code pénal est fait pour tous les cas de détention arbitraire, et il est applicable surtout à ceux qui abusent de la puissance publique, à eux donnée pour protéger les citoyens.

Vous parlez de mesures de haute police ; M. le procureur du Roi, vous savez aussi bien que moi, qu’aucune loi en France, n’autorise, sous de pareils prétextes, des attentats à la liberté individuelle.

Au surplus, on ne retient pas des hommes en prison sans ordre écrit ; vous avez le droit, et c’est votre devoir d’en exiger la représentation et la copie, et de m’en faire connaître la teneur ; car comment voulez-vous que je me pourvoie ainsi que vous me le dites devant qui de droit, quand malgré mes recherches, je ne sais, pas encore d’une manière certaine, qui a délivré l’ordre de séquestration, et contre qui j’en dois poursuivre la réparation. J’affirme dès à-présent que par suite des ordres donnés par les autorités de la métropole, communiqués aux administrateurs de Rochefort, et sans doute aussi aux autorités judiciaires, qui seules, ont le droit de délivrer des mandats, que les trente-sept ont été amenés dans votre port, et que deux sont encore détenus.

Je crois donc, M. le procureur du Roi, que vous devez continuer vos informations, jusqu’à ce que l’ordre de détention ou de séquestration soit connu de nous, et que nous puissions en poursuivre les auteurs ; car, tel est l’objet de l’art. 119 du Code pénal.

Daignez, M. le procureur du Roi, remarquer toute la gravité de la question ; mes cliens n’ont pas d’autre moyen d’échapper à l’arbitraire qui les poursuit, que d’arriver à la connaissance des actes, en vertu desquels on les soustrait à leurs juges naturels.

La première démarche qui leur est commandée, est de faire constater le fait de la détention ; la seconde, l’illégalité ; la troisième, d’en poursuivre les auteurs, afin d’obtenir les réparations que la loi, notre règle à tous, leur accorde.

Le législateur a porté si loin la sollicitude à cet égard, qu’il a imposé l’obligation aux fonctionnaires et officiers publics, de tous les degrés, d’agir d’office en pareille occasion : vous-même, M. le procureur du Roi, avez dû aussitôt que vous fûtes averti par la rumeur publique, de l’arrivée en votre rade, de trente-sept Français détenus sans jugement, prendre des informations, et vous mettre en mesure d’agir.