Page:Adolphe de Coston - Étymologies des noms de lieu de la Drôme.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

langue ; la véritable orthographe servant à peindre les sons vocaux avait sombré dans ce grand désastre des hommes, des langues et des monuments. Les noms primitifs sont devenus souvent méconnaissables, comme ces médailles frustes, tellement altérées par le temps, le frottement et les agents destructeurs, qu’il est impossible d’en déterminer l’origine.

C’est donc à la forme la plus ancienne des noms qu’il faut s’attacher de préférence pour en découvrir l’étymologie ; mais les documents antérieurs au douzième siècle font très-souvent défaut. Comme à cette époque la langue française était devenue d’un usage général, on se contentait de donner une forme latine aux noms français, ou de les traduire par des équivalents ou même des jeux de mots : ainsi Montjoux est devenu Mons Jovis (Voir le § 1), et Ribeuf (Seine-Inférieure) est devenu Risus bovis sous la plume d’un clerc illettré ou facétieux, tandis que ce nom signifie maison du ruisseau (ri, riba, rivus) ; beuf et bœuf veulent dire maison, domaine, en ancien normand et en Scandinave.

M. Quicherat[1] cite un certain nombre de mots analogues latinisés sur une fausse étymologie ; il faut donc accepter la forme latine des noms, seulement sous bénéfice d’inventaire, et lui préférer l’ancienne forme vulgaire, si l’on a de bonnes raisons pour croire qu’elle se rapporte davantage au type primordial. « Ainsi », dit M. Quicherat, « le onzième siècle a vu se tarir (ou se troubler) la source où doit puiser le philologue pour avoir les noms de lieu dans une forme aussi voisine que possible de la primitive…… L’altération des noms a lieu lorsque les mots d’une langue sont dits avec l’accent et toutes les habitudes de prononciation d’une autre langue. Leur forme actuelle résulte, pour une grande part, de la façon plus ou moins gauloise dont le latin fut prononcé dans les Gaules, et de l’habitude de raccourcir les mots en portant tout l’effort de la voix sur la syllabe accentuée. »

Le même phénomène a lieu pour les mots de la langue usuelle

  1. De la formation française des anciens noms de lieu, p. 13 et 78.