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VULGATË LATINE ET S. JEROME

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sites ; parce que telle quelle elle suflirait à son but. En partant de ce terme, le P. Patrizi a cru pouvoir établir une distinction entre la version, l'édition approuvée par le Concile, parce qu’elle est autorisée par l’emploi de l’Eglise, et l’exemplaire Vatican de cette édition. Si recevable que cette distinction soit en elle-même, il ne semble pas qu’on puisse lui trouver un fondement dansletexteduprésentdécret.oùle mot editio figure avec le sens classique de version ou même de texte en général, qu’il a sous la plume de S. Jérôme. Cf. Præf. in libros Paralip. prior, et souvent ailleurs. Le Concile oppose l'édition Vulgate à nombre d'éditions latines récentes, « qui ont cours » (quæ circumfii unliir) parmi les catholiques. Dues à l’initiative privée, ces tentatives pour amender la Vulgate étaient plutôt des versions nouvelles, fondées sur les textes originaux, que des éditions au sens moderne du mot. En tout cas, on les avait multipliées pendant la première moitié du xvie siècle. Enuniérons les principales :

a) Versions nouvelles faites sur le texte hébreu (Sanctes Pagnini, O. P, 1528 ; Card. Cajetan, O.P., 1530) ; jî) éditions de la Vulgate revues sur l’hébreu, et de ce chef s'écarlant plus ou moins du texte latin couramment reçu (J. Rudel, 1627 ; Clarius, O. S. B., 15^2 ; Junta, 153'i) ; /) simples éditions de la Vulgate, plus ou moins heureuses (Hittorpiana editio, 1530 ; cf. Quentin, Mémoire sur l'établissement dit texte, etc. p. 121 ; Robert Estienne, 15a8-1540). L'édition de Joannes Beuedictus, 1 5 4, tient le milieu entre la seconde et la troisième catégorie. Il va sans dire que le décret du Concile de Trente ne vise, du moins directement, que les versions latines nouvelles de la première catégorie.

h) Pourquoi et dans quel sens le Concile de Trente a décrété que la Vulgate serait la Bible « officielle » de l’Eglise latine ? Il était pratiquement nécessaire que dans l’Eglise catholique il y eût un livre, reconnu de tous comme contenant l’Ecriture dans son intégrité. Une preuve, et pas la moindre, c’est que toutes les sectes prolestantes ont fait de même ; il y a une version luthérienne pour les Allemands de la confession d’Augsbourg, une version zwinglienne pour la confession helvétique, une version anglicane pour l’Eglise établie d’Angleterre.

C’est de la Vulgate que dans les actes publics on partira, c’est à elle qu’on rapportera le reste : textes originaux, et les autres versions ; non pas pour condamner d’avance tout ce qui diffère de la Bible

« officielle », mais pour comparer et contrôler, afin

d'établir, si possible, la leçon primitive et en dégager le sens. Telle est la marche à suivre, tracée par l’encyclique Provideniissimus Pats. « Ce n’est pas qu’il ne faille tenir compte des autres versions, dont l’antiquité chrétienne fait l'éloge et s’est servie, et surtout des textes primitifs. » D.B., kj4' Et encore, quelques lignes plus bas : « Après avoir recherché, avec toute la diligence possible, quelle est la vraie leçon, on pourra se servir de la Sainte Ecriture en matière théologique. » On ne pouvait pas dire plus clairement que la Vulgate ne suffit pas.

Au cours des discussions préparatoires de la Session iv, et même dans les congrégations générales, notamment celle du I er avril, les théologiens, les présidents de commission, et les Légats pontificaux déclarèrent que l’abus n'était pas d’avoir à son service plusieurs versions, mais qu’il n’y en eût pas une, et rien qu’une, ayant un caractère officiel ; qu’en faisant cette situation privilégiée à la Vulgate {quia perior et potior), on ne prétendait pas supplanter, encore moins condamner les textes originaux, les autres versions, notamment celle des Septante ; pas même les versions modernes des hérétiques. En

effet, la condamnation qui pèse sur ces dernières ne dérive pas du décret Insuper. Le cardinal Poli : eût même voulu qu’on approuvât, au même titre que la Vulgate, le texte hébreu de l’A. T., la version des Septante, et le texte grec du N. T. ; auvo'.cil fut seul de son avis. Thbinbr, I, 6063, 70 ; MiiRKLi : , I, 500 et suiv., 42 ; Ekses, V, 20-00.

c) Approbation du décret par Paul 111. — Sur ce point, nous sommes exactement renseignés par les leitres échangées entre Trente et Rome. Vercelloms, Dissertazioni accademiche, 79 et suiv.

Huit jours après la promulgation du décret, faite à Trente (s5 avril 1546), le cardinal Farnksk écrivait de Rome aux Légats pontilicaux, présidents du Concile : « Sa Sainteté fait examiner les décrets (ceux de la Sess. îv) par tous les cardinaux. Je vous manderai plus tard ce qu’ils en pensent, mais, dès maintenant, je puis vous prévenir qu’au jugement de plusieurs, recevoir la Vulgate comme authentique, sans parler delarevoir et de la corriger, pourra prêter flanc au blâme et à la critique. Il est elair qu’il s’y trouve des fautes, qu’on peut malaisément attribuer aux imprimeurs. Cette remarque n’a sans doutepas échappé à vos Seigneuries Révérendissimes et à tant de savants prélats. Sa Sainteté recevra volontiers quelques éclaircissements à ce sujet. » Voir aussi une lettre du card. Siulf.to au légat Marcel Cer » 'ini(le futurVIarcel II), expédiée de Rome le même jour (Vatic. lat., 6177, fol. 33 ; cf. Abbé Thomas, Mélanges, 18yi, p. 315).

Les Légats à Trente n’avaient que trop compris. Ils répondent que le Concile a voulu commencer ses travaux par ces deux décrets, sans attendre la correction de la Vulgate, qui prendra du temps. Ils ajoutent qu’il n'était pas possible de déclarer dans un même décret que la Vulgate est défectueuse, mais que néanmoins on la rend obligatoire i ! et 26 avril). L’explication ne parut pas satisfaisante, et le cardinal Farnèc-e écrit encore le 29 mai : « En ce qui concerne le décret sur la Vulgate, les cardinaux députés (ceux de la Commission romaine) ne voient point de biais qui évite tous les inconvénients, et ils seraient bien aises qu’il n’eut pas été fait. Qænd on aura fait disparaître les fautes dues au temps, aux imprimeurs et aux copistes (quant emendatissime imprimatur, portait le décret), le remède ne sera que partiel ; que si l’on veut aller plus au fond et corriger celles du traducteur lui-même, on se jette dans une entreprise longue et mal définie, qui entraîne après elle mille difficultés. »

Peu de temps après, 8 juin 15/|6, une dernière réponse des Légats de Trente vint mettre fin au malentendu.

« On ne pouvait laisser d’approuver la Vulgate, 

sans aller contre le désir de tous les évêques et de nombreux théologiens présents au Concile. En peu de temps, les catholiques ne sauraient plus où cbercher la vraie Bible, tant chaque jour on en voit surgir de nouvelles, différentes les unes des autres en des points importants, et propres non seulement à fomenter les erreurs actuelles, mais encore à fournir un aliment à des hérésies futures. Notre vieille Vulgate, au contraire, ne /ut jamais suspecte d’hérésie, ce qui est l’essentiel dans les Livres saints (la qunle non fu mai so.^petta d’eresia ; la quale parte è la potissima nei llbri sucri) ». C’est sur cette dernière déclaration que Paul III approuva le décret Insuper.

Conclusion. i° Le décret ne porte pas directement sur l'édition romaine, dite sixto-clémentine, qui ne devait paraître que quarante-six ans plus lard ( ibç) : >.). Cette édition a été rendue officielle par le bref