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PRECOLOMBIENS (AMÉRICAINS)

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le prêtre (le satrape, suivant l’expression du vieux chroniqueur) à la lin de cette confession. Celte formule débutait par une prière à Tetzcatlipoca :

« O notre très bon Seigneur, appui et faveur de tous, 

vous venez d’entendre la confession de ce pauvre pécheur, par laquelle il a fait l’aveu, en votre présence, de ses pourritures et de ses mauvaises odeurs ! … Puisque vous êtes un Seigneur très miséricordieux, qu’il vous plaise lui pardonner et lui rendre sa blancheur. Accordez-lui Seigneur, l’indulgence et la rémission de tous ses péchés, par cette divine intervention qui coule du ciel comme de l’eau claire avec le pouvoir de purilier, et au moyen de laquelle Votre Majesté fait disparaître les taches et souillures que les péchés causent à l'àme. Faites, Seigneur, qu’il s’en aille en paix et ordonnez ce qu’il doit faire. Qu’il se livre à la pénitence et pleure ses péchés, et quant à vous, Seigneur, donnez-lui les inspirations dont il a besoin pour bien vivre. » Puis le prêtre s’adressait au pénitent, l’admonestait, l’invitait à se faire t un cœur nouveau et une autre manière de vivre » et lui indiquait sa pénitence. Ensuite il le congédiait par ces mots : « Va en paix el prie le Seigneur de t’aider à accomplir ce que tu es obligé de faire, car il est le protecteur de tous. »

En marge de cette caste pontificale, assez nombreuse, et qu’aidaient dans les menues besognes matérielles des iilles vouées dès leur plus jeune âge par leur mère, par dévotion, au service des temples, on trouvait parmi les Aztèques des gens qui pratiquaient la magie, des devins, des sorciers, des nécromanciens. Bien entendu, on ne sait pas grand’chose de leurs pratiques. Du moins convenait-il de signaler u ; l’existence de ces magiciens, comme aussi de dire que les indigènes de l’Anahuac croyaient que les âmes des défunts allaient, après la mort, « à trois points différents » : celles-ci dans l’enfer, celles-là dans le Paradis terrestre (Tlalocan) et enfin d’autres

lans le ciel où vit le soleil ».

a. Les autres populations mexicaines. — Cet aperçu très général de la religion des Aztèques ne vaut pas seulement pour les derniers conquérants de 1 Vnahuac ; il vaut aussi pour ceux qui habitaient h plateau lors de leur venue et pour les MixtécoZ ipotèqnes de l’Oajaca, pour les Totonaques et les Iluaxtèques de la Vera-Cruz et du Tabasco, autrement dit pour les populations qui ont vécu dans les plaines plus ou moins largessituées auprès de l’Anahuac, dans les tierras calientes et templadas plus ou moins proches de l’Océan Pacifique ou du Golfe de Mexique. Dans l’ensemble, en effet, ce sont mêmes dieux, mêmes croyances, mêmes rites, bref même r-ligion. Quoi de plus naturel, puisque, comme on l’a vu plus haut, les Aztèques avaient introduit dans l'-ur propre panthéon les divinités des peuples vaincas par eux ? Tel fut le cas pour Tlaloc, la vieille divinité des Olomis, et pour Camaxtli, le seigneur des hordes chichimèques qui précédèrent les Aztèques sur le plateau d’Anahuac.

Il convient néanmoins de noter ici quelques traits nouveaux et dignes d'être retenus.

A. La cosmogonie des Aztèques représentait les d ; ux comme s'étant, à une époque dont nul d’entre lea humains n’avaient l’idée, réunis à Teotihuacan et s’y étant demandé : « Qui doit gouverner et diriger le monde ? » Pour eux, les dieux existent dès l’origine, par con-équent ; mais « il n’y a point de récit clair et véridique sur l’origine des dieux », < : crit Saiagun, qui ajoute : « On ne sait même rien à ce njet » (L. III, ch. i ; p. 201 de la trad. Jourdanet). Au contraire, les Nahuas primitifs croyaient en un dieu unique, créateur de toutes choses, Ometecuhtli, qui habitait le lieu le plus élevé de tous les cieux,

dans le ciel appelé Omeyocan. Ce dieu unique tira de lui-même l'émanation divine qu’est le Soleil, Tonæatecuhtli, « le seigneur qui nourrit », etcelui-ci, de son mariage avec la Terre, Tonucacihuatl, « la dame qui nourrit », eut deux enfants, Quetzalcoatl et Tezcatlipoca. Pour donner aux dieux une demeure, il créa plusieurs cieux, dans la gradation desquels les dieux trouvèrent tous à se loger. Plus ou moins modifiée, cette croyance au dieu unique persistait encore à l'époque de la conquête espagnole chez les Chichimèques de l’Anahuac ; « ils croyaient, au témoignage de Sahaoun (p. 34 4 de la trad. franc.), en un dieu invisible non représenté par une image, appelé Yoalli ehecalt, ce qui veut dire dieu invisible et impalpable, bienfaisant, protecteur et tout-puissant, par la vertu duquel tout le monde vit, et qui, par son seul savoir, régit volontairement toutes choses ». Sans doute, par leur intermédiaire, s'étaitelle infiltrée dans la religion des Aztèques. Les prêtres de ces derniers, dans certaine prière dont il a été question plus haut, qui est en quelque sorte une absolution des fautes commises, parlent d’un

« dieu protecteur de tous, invisible, incorporel et

unique, … invisible et impalpable », qu’ils ont confondu avec Tezcatlipoca, mais qui était sans doute à l’origine le Yoalli ehecatl des Chichimèques et l’Ornetecuhtli des Nahuas primitifs.

A en croire Ixtlilxochitl, qui prétend en descendre, le roi chichimèque de Texcoco, Nezahualcoyotl (1 426-1^70) aurait érigé dans sa capitale un téocalli au dieu invisible du inonde. Là, aucune image ne représentait la divinité ; là, pas de sacrifices sanglants. Mais l’historien des Chichimèques n’a-t-il pas embelli à plaisir la figure de son prétendu aïeul ? N’en a t-il pas fait un personnage quelque peu légendaire ? une sorte de réformateur religieux, bien plutôt que le véridique souverain d’une partie de l’Anahuac ? On est vraiment en droit de se le demander aujourd’hui.

B. Comme les populations de toutes les autres parties septentrionales, sinon méridionales, du Nouveau Monde, les habitants des différentes régions du Mexique ont de très bonne heure pratiqué un culte totémique. De ce culte totémique, qui avait peu à peu disparu (si bien qu’on ne constate plus, à l'époque cortésienne, de rites honorant de manière quelconque l’animal auquel un clan se tenait pour apparenté), on pouvait toutefois relever encore quelques survivances, en particulier les noms d’animaux conservés par nombre de divinités. Même actuellement, il est possible de constaterdans beaucoup d endroits du Mexique (à Tlaxcala, par exemple) la croyance à une protection particulière, exercée par un animal ou par un objet naturel quelconque sur un individu déterminé ; c’est là une nouvelle trace de survivance du totémisme ancien.

C. En faisant de certains dieux des peuples habitant le plateau de l’Anahuac leurs propres divinités, les Aztèques en ont complètement changé le caractère. La cruauté, la soif du sang humain, le plaisir causé par les souffrances des victimes qui leur étaient sacrifiées, voilà les traits nouveaux qui différencient les dieux aztèques des divinités nahuas primitives. Celles-ci semblent s'être d’abord contentées pour la plupart d’offrandes de Heurs et de fruils ; l’immolalation de cailles ou d’autres animaux était réservée à quelques dieux particuliers, entre autres au seigneur de la guerre des Tecpanèques du Michoacan, Tzintzuni, le dieu colibri, à l’image faite de plumes de colibris. C’est de ce Tzintzuni que les Aztèques firent, en lui donnant une histoire nouvelle, leur terrible et barbare Huizilopochlli, « le colibri du Sud, celui du Sud ». Du culte sanguinaire de Huit-