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1955

VULGATE LATINE ET S. JÉRÔME

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langue une élude plus approfondie. Une longue résidence et de nombreux voyages en Orient l’avaient mis en contact avec les pays bibliques et leurs coutumes ; ce qui est une ressource inappréciable pour quiconque entreprend une pareille tâche. Ses qualités de savant et d'écrivain le recommandaient pareillement. Le pape Damase a dû présumer qu’une version faite par un homme d’un si grand mérite, recommandé par l’influence et l’autorité du Siège de Rome, ne pouvait manquer d'être bien accueillie. > Haslings' Dictionary of the Bible, IV, 874 A (1902).

b) Dans la préface de l'édition romaine de la Vulgate, dite Sixto-clémentine (1092), dont la rédaction est attribuée au Bienheureux Robert Bellarmin, on fait observer que « des passages, qui semblaient devoir être corrigés, ont été néanmoins gardés tels quels pour plusieurs motifs, et notamment parce qu’il est permis de supposer que S Jérôme aura eu à sa disposition des manuscrits meilleurs et plus corrects que ceux qui nous ont été transmis. » Quelles sont ces sources et que valent-elles ? Pour faire à la question une réponse adéquate, i 1 convient d’envisager séparément l’Ancien Testament et le Nouveau, puisque dans le premier cas, nous avons affaire à une traduction et dans le second à une revision seulement.

A. Ancien Testament. — Comme nous, mais beaucoup plus près des origines, l’auteur de notre Vulgate avait à sa disposition le texte hébreu et les versions grecques (Septante, Aquila, Symmaque, Théodotion), qui en avaient été faites. A-t-il utilisé la version syriaque ? C’est une question encore insuffisamment étudiée.

1. L’exemplaire de la Bible hébraïque, lu par S. Jérôme, portait un texte qui ne diffère pas d’une façon appréciable de celui que nous possédons encore aujourd’hui sous le nom de.r texte massorétique ». Tel est le sentiment de la plupart des critiques d’aujourd’hui, qui ont fait du sujet une étude spéciale : Eichorn, Wbllhausbn, Kaulen, Westcott, Luc. Gautier, Condamin, etc. L’identité se révèle jusque dans des fautes de copiste manifestes « très particulières au texte hébreu massorétique, et exactement reproduites par la Vulgate ». A. Condamin, Recherches de Science religieuse, 1911, p. 430 ; Driver, Notes on the hebrew text of Books of Samuel, Oxford, 1890, p. lxvi-lxvii. D’autres cependant estimentqn’on a exagéré cet accord. Loin d’atteindre à l’identité, il laisserait place à d’assez nombreuses particularités, dans lesquelles le texte de Jérôme témoigne seul contre l’hébreu et le grec, connus de nous, ou bien s’accorde avec la version syriaque. Nowack, Die Bedeutungdes Hier, fiirdie alttest. ÀWfi'À-.Gottingen, 1875.

Dans cette dernière hypothèse, y aurait-il influence directe et immédiate du syriaque sur la version de S. Jérôme ? Celui-ci n’a pas pu ignorer l’existence d’une version syriaque, faite au second siècle sur le texte hébreu. Lors de son premier séjour en Syrie (375-377), il a vécu avec des solitaires, dont le syriaque était la langue native ; et c'était vraisemblablement le cas du Juif converti, qui devint son premier maître d’hébreu. N’avons-nous pas une allusion à quelque teinture de syriaque, datant de cette époque, dans la lettre xvne n. 2 ? (P.L., XXII, 360). En 387, au moment même qu’il quittait la solitude de Clialcis, Jérôme répond ironiquement à Marc, un prêlredu voisinage : « Tu redoutes donc qu’un homme tel que moi, qui manie en maître les langues syriaque et grecque, s’en aille par le monde pérorer d'église en église, » En tout cas, nous savons que plus tard, vers 4°2, pour traduire Tobie, Judith et certaines portions de Daniel, S. Jérôme apprit le chaldéen,

c’est-à-dire le dialecte syriaque de Palestine, qui ne différait pas beaucoup du dialecte d’Edesse, sinon peut-être par le caractère avec lequel on l'écrivait. Cependant, H. P. Smith (cité ici d’après Ilastings' Diction, of the Bible, IV, 883) fait observer que « dans nombre de cas le texte de S. Jérôme diffère de celui des Massorètes, pour s’accorder le plus souvent avec la version syriaque, sansquenous ayons pour autant le droit de supposer une dérivation immédiate. Le traducteur latin avait trop de conûance dans son texte hébreu pour lui préférer une version quelconque. Il est plus vraisemblable que dans les cas donnés il a eu entre les mains un texte qui différait de celui des Massorètes, mais identique au texte dont s'était servi le traducteur syriaque.

De ce que le texte massorétique n’a pas varié pendant les quinze siècles qui nous séparent de S. Jérôme, et même, pourrait-on dire, depuis le début de l'ère chrétienne (comme en témoignent les versions d' Aquila, de Symmaque, de Théodotion, les travaux d’Origène, sans parler des éléments de targoums remontant à cette époque), il ne faudrait pas conclure à une invariabilité absolue. Les conditions dans lesquelles ce texte s’est transmis n’ont pas toujours été les mêmes. Avec le ve siècle de notre ère, a commencé chez les Juifs de Palestine l’activité des gens de la Massore, ou de la tradition, pour fixer la manière de transcrire et de lire la Bible. Pendant quatre siècles ils ont inventé eteompilétoutun système de points, d’accents, de voyelles et autres signes pour entourer le texte d’une haie protectrice. Ils ont compté les mots (écrits séparément), les lettres, les accents ; divisé le texte en divisions majeures et mineures. Avant que d'être admis officiellement à transcrire le Livre, le scribe (kâteb) doit apprendre tout cet ensemble de signes protecteurs, qui rendent presque impossible une erreur de transcription. Les massorètes ne visaientpas, comme le critique moderne, à retrouver entre plusieurs variantes la leçon originale, mais seulement à constater les divergences. Mis en présence d’une double tradition, ils se contentent de marquer ce qu’il faut écrire (ketib), et ce qu’il faut lire(Âri). Le cas se représente 216 fois ; mais, pour d’autres raisons encore, le nombre total des krl et des ketib est de 1.353. Dans son édition de la Bible hébraïque, S. Bauer consacre un appendice à l'énumération minutieuse des variantes qui caractérisent les deux écoles talmudiques de Babylone et de Tibériade. Il n’en fut pas toujours ainsi. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer le texte des Massorètes avec la plus ancienne des versions de la Bible hébraïque, celle d’Alexandrie, dite des Septante.

2. Commencée par le Pentateuque, vers le milieu du 111e siècle avant Jésus-Christ, sous le règne de Ptolémée II Philadelphe, la Version grecque alexandrine n’a été achevée que beaucoup plus tard, à une époque qu’il est impossible de déterminer, mais antérieure à notre ère. Elle représente donc le texte hébraïque à l'étage qui précède immédiatement la littérature chrétienne. Pendant les quatre premiers siècles, le peuple chrétien n’a connu l’Ancien Testament que par cette version, soit immédiatement, comme les Eglises de langue grecque, soit médiatement, comme celles de langue latine, dont la traduction primitive dépendait du grec des Septante. Tout au plus faudrait-il faire une exception pour les Eglises de langue syriaque, s’il est vrai, comme quelques-uns l’ont prétendu, que leur version, d’origine juive, remonte à un époque antérieure à l'ère chrétienne.

Une comparaison, même superficielle, entre le texte massorétique etla version grecque alexandrine,