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VULGATE LATINE ET S. JEROME

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sages, on dirait une version nouvelle. » Epist., Aug. lxxi, c. 4, n. i-6 ; P. /.., XXXlll. : 14a-a43 ; Bpist. xiviii.c. a ; P. /., XXXIII, i la. Au contraire, Jérôme prétend qu’entre les Septante et l’hébreu il y a trop de différences pour tenter de les ramener à l’unité. Il faut retourner aux sources, c’est-à-dire aux textes originaux, à « la vérité hébraïque ». En ce qui concerne le X. T., il s’est contenté d’aller au plus pressé, mais en sauvegardaut le principe du redressement des textes : » Si enim latinis exemplaribus lides est adliilienda, respondeant quibus ; tôt enim sunt exemplaria pæne quoi eodiees. Sin auteiu vcritas est quacreuda de pluribus, eur non ad græcam originem revertentes… corrigiuius. » P. L.. XXIX,

Le principe du « retour aux sources » était admis de S. Augustin, De Civit. Dei, XV, xiv, n. a ; mais en s-i qualité de pasteur d’âme-, il jugeait inopportun et même périlleux de l’appliquer en bloc à toute la Bible. Constamment il a donné de son attitude trois raisons. Epist., Lxxi, n. 5 ; P. L., XXXIII, a4’^ ; Epist., lxxxii, n. 34-35, XXXIII, 390-291.

1’Une traduction nouvelle troublera et même scandalisera les lidèles, habitués à lire et à chanter l’Ecriture d’après une version qui remonte aux origines du christianisme. Elle fera douter du passé, sans donner conliance dans le présent. Une Bible latine, traduite immédiatement de l’hébreu, augmentera la mésintelligence entre les Occidentaux et les Orientaux, qui ne connaissent nos Livres saints que par les Septante.

2° L’aatorité des Septante est grande dans toute l’Eglise chrétienne. Les Apôtres et le Christ lui-même s’en sont servis. Une tradition ancienne et respectable tient leur version pour inspirée, même aux endroits où elle diffère du texte hébreu. « Cette diversité n’est pas incompatible avec l’unité de la foi, puisqu’un traducteur peut donner d’un passage obscur une opinion différente de celle d’un autre interprèle, bien que l’un et l’autre aient Ja même foi. » 3° D’ailleurs, le prêtre Jérôme pense-t-il mieux faire que tant et de si doctes interprèles ? En cas de eonffit, qui jugera entre l’ancienne version et la nouvelle ? Et ici, S. Augustin aime à rappeler l’incident qui s’est produit dans l’église d’Œa, où l’évêque eut bien de la peine à apaiser le tumulte, causé par la lecture publique de la récente version (Voir plus haut, col. 1901).

A cette triple objection S. Jérôme a réponda : i° La vérité doit prévaloir sur la routine. La grammaire elle-même a ses droits, il vaut mieux chanter florebit que floriet (P$., cxxxi, iS).Cf. dans S. Aug., De doctr. christ., II, xiii, n. 20. Cependant, pour ménager l’accoulumance du peuple et ne pas le déconcerter inutilement, le nouveau traducteur s’écarte le moins possible des Septante, c’est-à-dire là seulement où le sens l’exige. D’ailleurs, il ne prétend pas supplanter l’ancienne version ; le lira qui voudra (même ceux qui déchirent son œavre en public, et s’en servent en cachette !). Il écrit pour répondre aux vœux de ses amis, « qui lui envoient argent et copistes à cet effet, parce qu’ils préfèrent des textes corrects aux manuscrits artistement calligraphiés et richement reliés ». Præf. in Pentat.. in losue, in Paralip., in Esdr., in lob, etc., P.L., XXVIII, 150, 463, 13^6, 1081 ; XXIX, 26. Nulle part, que je sache, S. Jérôme ne se préoccupe du danger d’augmenter le dissentiment entre Occidentaux et Orientaux.

2 Mieux que tout antre, il sait le mérite de la version des Septante, mais il ne les lient pas pour inspirés, surtout aux endroits où ils s’écartent du texte original hébreu. Il traite de légende ce qu’on

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raconte de leur accord parfait entre eux, alors qu’ils avaient travaillé séparément, chacun dans sa cellule.

« Xercto quis primas auctor septaaginta cellulas

Alexandriæ mendacio suu exstruxerH. » Præf, M Peut.. /*. /.., XXVIII, 150. Les Apôtres et le Christ lui-même les ont cités, mais pas dans les passages où ils diffèrent foncièrement de l’hébreu. Par contre plusieurs de leurs citations ne se rencontrent que’dans le* textes originaux. Præf. in Punitif,., ad Chrom., P. L., XX VIII, 13a6. Et ici Jérôme renvoie à Matth., ii, 15, a3 ; Jean, xix, 37 ; vii, 38 ; I Cor., ii, 9, etc. On peut trouver que son assertion reste discutable sur tel ou tel point, et qu’en revanche l’auteur de l’Epitre aux Hébreux cite constamment d’après les Septante, même quand il y a un désaccord notable entre la version grecque et l’original hébreu, par exemple 1, 6, 7 ; x, 5.7, 37 ; xii, 5-G, a6. Un jour viendra (vers 408), où S. Jérôme lui-même constatera le fait et s’en étonnera. Cf. Comment, in Isaiam vi, 9 ; P. /,., XXIV, 98.

3° Quant à sa compétence, le traducteur n’a pas à l’établir lui-même ; cependant le succès dont jouit la revision du N. T. (et S. Augustin lui-même en convient, P. L., XXXIII, a43) devait répondre de son exactitude dans la traduction de l’Ancien. On peut bien permettre à une plume chrétienne de tenter dans l’intérêt de l’Eglise ce qu’on ne réprouve pas dans un Juif blasphémateur, Théodotion, dont la traduction de Daniel (P. L., XXVIII, 464) est lue publiquement par tout le monde chrétien (C/. Præf. in lob, P. £., XXVIII, 108a). A l’adresse del’évêque d’Hippone, S. Jérôme *e contente d’uu argument adhominem, qui ne manque pasde sel. « J’entends direque tu viens de publier un commentaire sur les Psaumes (il ne pouvait s’agir en 404 que delà première partie des Enarrationes in Psalmos) ; or, de deux choses l’une : ou bien tes nombreux devanciers sur ce terrain ont réussi, ou ils ont échoué. Dans le premier cas, pourquoi refaire ce qu’ils ont bien fait ; et, dans le second cas, penses-tu mieux faire ? » Epist., exu n. ao ; P. /.., XXII, 928-939.

La pratique de l’Eglise a donné raison aux deux grands docteurs. C’est pour les raisons si bien formulées par S. Augustin, que la substitution de la version nouvelle à l’ancienne s’est faite lentement (plus de six siècles) ; mais c’est pour les raisons dites et redites par S. Jérôme qu’elle a finalement triomphé. Cf. P. LA.GHANQE, L’esprit traditionnel et l’esprit critique, à propos de la Vulgate, dans le «.Bulletin de littér. ecclés. de l’Institut catholique de Toulouse », 1899, p. 37.

La postérité devait être plus juste vis-à-vis de la personne de S. Jérôme et de son œuvre, que ne l’ont été la plupart de ses contemporains. De nos jours les protestants eux-mêmes tiennent à faire oublier le parti pris avec lequel les premiers des Réformateurs ont parlé de l’auteur de la Vulgate latine. Cf. Rea-IcncyUopddie fur protestantische Théologie und Kirche (1900), VIII, 5a-54. Peu d’hommes se sont autant occupés de notre Vulgate que les deux « scholars » d’Oxford, John Wohdswohtu et H. J. Wiiitb. Or.ce dernier estime que « sa mission providentielle fut révélée à S. Jérôme par le pape Damase, quand celui-ci le chargea (en 383) de réviser les Psaumes et les Evangiles. » Puis, le même auteur ajoute : « Les titres de Jérôme pour l’exécution de cette œuvre étaient exceptionnels. Il avait un sentiment précis de l’urgence et de la grandeur de l’œuvre. C’était un bon latiniste, écrivant en un style pur et vigoureux ; arec une connaissance convenable du grec. Dès le début, ilavaitacquis unecertaine connaissance de l’hébreu ; mais plus tard, avant d’entreprendre la traduction de 1’A. T. d’après le texte original, il ût de cette