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VULGATE LATINE ET S. JEROME

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langue hébraïque, qu’il en appelle résolument au contrôle des Juifs, pour réduire à néant les récriminations de ses adversaires. P. L., XXII, 929 ; cf. WY1II, , 102, 544> 558. Un jour viendra (404) où S. Augustin lui mandera que dans la petite ville d’Œa, en Mauritanie, les Juifs lui ont donné tort au sujet de sa traduction de Jouas, iv, G, où il substitue hedera à cucurbita. Le traducteur répondra rondement : on vous aura, sans doute, conté une fable ; sinon, tenez pour certain que vos Juifs sont des ignorants, ou plutôt des malins, qui auront voulu complaira à ceux dont ils attendent quelque avantage. Voir dans S. Augustin, Epist., lxxi, n. 5/ P. L., XXXIII, 7/42 ; et dans S. Jérôme, Epist., cxii, n. 21-22 ; P. /.., XXII, 929-930 ; cf. Comment, in lonam, iv, 6.

En dépit de tant de préparation, Jérôme, qui avait alors 43 ans, hésitait encore à entreprendre une œuvre dont il prévoyait les difficultés. D’ailleurs, comme tous les écrivains délicats, il attendait, pour publier, les encouragements de l’amitié (P. Z,., XXII, 929). Hslui vinrent departoul. D’Italie, et notamment de Home, d’où insistent fréquemment le sénateur Pammachius et les nobles dames Marcella, Læta, Lea, Asella ; de Noie, c’est le saint évoque Paulin ; d’Aquilée, c’est l’ami des premiers jours, Ghromalius, devenu évêque. Des extrémités de l’Europe orientale, du pays des Gètes (les Balkans), deux moines, Sunnia et Frelella, sollicitent une longue explication sur le psautier revisé d’après les Septante. A l’extrémité opposée, dans la Narbonnaise, le prêtre Riparius, et à Marseille le moine Desiderius, en font autant.

Peu d’hommes de ce temps ont eu une correspondance aussi distinguée que celle qui met le solitaire de Bethléem en relation avec l’élite du monde chrétien. Des cent cinquante lettres qui nous restent, adressées à plus de quatre-vingts destinataires différents, le plus grand nombre a trait, tout au moins en passant, à une meilleure traduction de la Bible. Dans l’Afrique proconsuiaire, Jérôme avait en S. Augustin un grand admirateur. Malgré des divergences de vues sur bien des points et précisément à propos de l’opportunité d’une version nouvelle, l’évêque d’IIippone attendait beaucoup de ses travaux pour le service de l’Eglise. Les dix-huit lettres, que ces deux hommes cminents ont échangées, témoignent de la haute estime qu’ils avaient l’un pour l’autre. (Voir dans les œuvres de S. Jérôme les lettres LVI, LXVII, ci-ov, CX-CXH, cxv, cxvi, cxxxi, cxxxii, cxxxiv, cxli-cxiii ; et dans les œuvres de S. Augustin, XXVIII, XL, LXVII, LXVIII, XXXIX, LXXI-LXXV, LXXXI, LXXXII, CLXV1, CLXVII, CLXXII, CXCV, CXXIII, CCIl)

Mais c’est de son entourage immédiat que devait venir à Jérôme l’impulsion décisive. Moines et moniales, fixés avec lui près de la crèche ; pèlerins illustres qui demandent l’hospitalité au monastère de Bethléem (tels Pinien etMélanie la jeune), réclament la « vérité hébraïque ». Par-dessus tous, Paula et Eustochium se font chaque jour plus pressantes, au nom des intérêts de l’Eglise et de leur amitié, /’rue/. in Dantelem : « Unde obsecro vos, Paula et Eustochium, fundatis pro me ad Dominum preces, ut quamdiu in hoc corpusculo sum, scribam aliquid gratum vobis, utile Keclesiae, diguum posteris. »

S. Jérôme se mit à l’œuvre en 390 ou 3gi.ll importe peu de savoir s’il a commencé par les Rois ou par Isaïe. L’œuvre devait durer quinze ans, Jusqu’en 405 ;

890-391, Samuel, les Rois.

392-898, Psaumes, Prophètes, Job.

3g4, Esdras, Néhémie.

396, Paralipomènes.

3g8, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique.

401, Pentateuque.

405, Josué, Juges, Rulh, Esther, Tobie, Judith et les fragments deutéro-canoniques de Daniel et d’Esther.

Toute cette « Bibliothèque sainte », comme on disait alors, Divina Bibliotkeca, est contenue dans le XXVIIIe volume de la Patrologie latine de Migne. On remarquera que l’activité du traducteur se ralentit entre 3g8 et 401, puis entre 401 et 4°4- La première coupure s’explique par une longue maladie, et la seconde par la mort de Paula, qui avait brisé le courage du vieux « maître ».

a. Les sources. — S. Jérôme s’est proposé un double but : donner aux tidèles une traduction meilleure de la Bible, et fermer la bouche aux Juifs, qui reprochaient insolemment aux chrétiens de lire les Ecritures dans une version infidèle. Præf.in Isaiam, in Iosue, in Daniel., P. L., XXV1I1, 774, 464. 1294 ; cf. 1 126.

a) Dès le début, il se rend compte des difficultés qui l’attendent. En 384, dans la lettre d’envoi, ou préface, dont il accompagne sa revision des Evangiles, il écrit au pape Damase : 1 Tu m’obliges à tirer une œuvre nouvelle de l’ancienne. Quand les exemplaires de l’Ecriture sont répandus par le inonde entier, voici qu il me faut jouer le rôle d’arbitrejet, comme ils diffèrent entre eux, que je décide quels sont ceux qui s’accordent avec la vérité du texte grec. Pieux travail, mais périlleuse présomption ! Juger autrui, quand on sera soi-même jugé par les autres. Obliger le vieillard à changer sa langue, et ramener le monde blanchi à l’alphabet des enfants ! Quel homme docte ou ignorant, prenant en main ce volume, et voyant que la leçon qu’il a coutume de réciter s’y lit différemment, ne se mettra pas aussitôt à crier, à vociférer que je suis un faussaire et un sacrilège, d’oser ainsi ajouter, changer, corriger dans ces vieux exemplaires ! » Novum opus, P. L., XXIX, 525 ; cf. Epist., xxvii, ad Marcel., P. L., XXII, 431.

Tout le monde sentait qu’il y avait quelque chose à faire pour supprimer la diversité des textes, que révélait une simple lecture de la Bible. Tôt exempl /iria pæne quoi codices, disait S. Jérôme. P. L., XXII, 43 1, 834, 920 ; XXVIII, 463. De son côté, S. Augustin, tablant sur les bibles usitées en Afrique, déclarait « la situation intolérable, tellement qu’on ne cite plus un texte d’Ecriture, sans appréhender qu’il n’y ait autre chose dans le texte original ». Epist., lxxi, n. 6 ; P. L., XXXIII, 243 ; De doctr. christ., II, xv, n. 22 ; P. L., XXXI V, 46 (écrit en 397). Il en rend responsable « cette foule de traducteurs latins, qui ont osé se charger d’une œuvre trop au-dessus de leur capacité ». Epist., i.xxxn, n. 35 ; / J. /.., XXXIII, agi.

L’état de l’Ancien Testament n’était pas plus satisfaisant. Entre les Septante, dont relevait la version latine, et le texte hébreu, il y avait de nombreuses interversions, omissions, additions et traductions différentes. « Je vous parle librement, écrivait S. Jérôme, il y a dans les exemplaires grecs et latins nombre de noms tellement altérés qu’on pourrait croire avoir affaire avec des noms barbares et sarmates, plutôt qu’avec des noms hébreux. » Præf in Puralip., ad Domn.et llogat., 1’. /.., XXVIII, 1323.

Que faire ? Jérôme et Augustin ne sont plus d’accord. Celui-ci engage l’hcbraïsant de Bethléem à se contenter de reviser l’Ancien Testament sur les Septante. Sa revision des Evangiles (celle de 384) prouve que c’est chose possible et suffisante ; < clic donne pleine satisfaction dans presque tous les pas-