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VOCATION

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esprits, et fait usage de ses puissances naturelles, librement et tranquillement. » — Cette dernière forme de vocation pose la question suivante : L’invitation de Notre-Seigneur dans l’Evangile à suivre la voie des conseils, est-elleune invitations’adressant à tous (à tous ceux qui le désirent), ou bien faut-il la restreindre à quelques privilégiés marqué ! d’avance ? Réponse, a) L’invitation de Notre-Seigneur dans l’Evangile à suivre la voie des conseils est une invitation de portée générale. Toute personne (ayant, bien entendu, l’aptitude physique, intellectuelle et morale, et parailleurs se trouvantlibre et d’intention pure) peut se croire visée par le dire de Notre-Seigneur {Mat t., xix, l) : « Si tu veux être parfait, voilà ce qu’il y a à faire. » Par delà le jeune homme qu’il avait devant lui, Notre-Seigneur visait toutes les âmes de bonne volonté à travers les siècles : « S’il y aquelqu’undésiranlêtre parfait, voilà mes offres l » Aussi bien le texte ajoute peu après (Matt., xix, af j) : " Quiconque aura quitté… » On ne peut trop insister sur le fait que l’appel divin en matière de vocation n’a nullement besoin d’être un appel notifié par attirances spéciales, une sorte de voix impérieuse et doucement mais obligatoirement intimée. Il suffit à chacun de connaître l’appel général prononcé par Notre-Seigneur lors de sa conversation avec le jeune homme de l’Evangile : « Si tu veux. » C’est-àdire :

« Il y a deux voies. Elles sont offertes à tous, 

donc à toi. Choisis ! Tun’as pas d’impossibilités physiques (santé, etc…) ; pas d’impossibilités morales (difficultés telles contre l’obéissance, par exemple, ou la chasteté, qu’il y aurait imprudence aies vouer). A la volonté seule, par conséquent, — aidée de la grâce sans doute, mais d’une grâce qu’il ne faut pas se figurer comme une poussée enthousiaste et quasinécessitante, — à prononcer le « Je veux » décisif. Pittoresque application, sous forme vivante, de la correspondance à cet appel général, dans le « Si fis », du P. Groussau (Apostolat de la Prière, Toulouse ) ; utile à faire lire aux jeunes gens qui seraient trop portés à mettre le tout ou du moins l’essentiel de la vocation dans les attraits. Si l’on veut des cas vécus, lire, en tout premier lieu, le récit de la vocation de sainte Thérèse dans sa Vie par elle-même, ou dans son Histoire d’après les Bollandistes, Retaux, 1888, t. I, pp. 4 1 - 4 -~ » - Loin de ressentir des attraits, elle « éprouve une répugnance invincible ». Son choix vient de la raison et de la foi. Comment la volonté divine se rcvcle-t-elle à Thérèse ? Par des gràcesextraordinaires ?pardes attraits irrésistibles ? par un appel divin clairement signifié ? Rien de tout cela ; et si quelqu’un se prend à regretter que les fiançailles spirituelles d’une pareille sainte aient été célébrées d’une manière si simple, si commune, nous, pour notre part, nous bénissons le Seigneur d’avoir ainsi donné un modèle à suivre au lieu d’un prodige à admirer. — Voir également les deux

« élections » de Guillaume de Montferrand (Vie, par

l’abbé Rou/.i- :), l’une « près son collège et concluant à la vie militaire, l’autre durant laguerreet concluant à la vie au service de Notre-Seigneur ; on encore la description des états d’âme du I’. Ghatuy, alors qu’il préparait Polytechnique : « Je pensais à consacrer ma vie entière à Dieu, à vaincre pour cela toutes les difficultés et à rompre tout lien qui voudrait m’arrêter… ; tout à coup, j’aperçus pour la première fois, je crois, que mon amour était un lien et un obstacle (amour de pur sentiment et d’ailleurs honnête). A cette vue, je fus consterné et sentis mon impuissance absolue à rompre cette chaîne vivante de mon cœur. Je ne le voulais pas. Quant à cela : non 1 non ! — Mais voici qu’une, espèce de souffle vivifiant m’entourait… et qu’une voix toute

mystérieuse me disait avec un accent d’une insondable profondeur. « Ah ! si tu voulais ! » — Je ne peux pas vouloir, répondis-je avec beaucoup de douceur et de respect ; vous voyez bien que c’est impossible. — Pourtant, si tu voulais ! reprenait la douce voix toujours caressante et vivifiante. Et je faisais la même réponse, en prenant à témoin le ciel entier que c’était impossible. — Tu n’es point obligé à cela, semblait me dire (la voix), mais cependant si tu voulais ! C’étaient toujours les mêmes mots, mais avec un sens grandissant… Et la merveilleuse conversation se poursuivait ainsi toujours, avec la même demande et la même réponse. D’abord, je ne voulais pas vouloir. Quelque temps après, je voulais bien vouloir, mais sans vouloir encore. Il y avait toujours impossibilité. Mais sous l’insistance croissante de la voix… j’en vins à dire : « je ne puis, mais je ne ni’j' oppose pas ; faites vous-même, prenez, coupez ». Et alors, comme si on m’avait mis dans la main un fer tranchant ou même si on m’avait poussé le bras et pressé la main, jecoupai l’artère principale de mon cœur. Je crois encore sentir le froid de cette coupure. C’était fini, le lendemain de ce jour, j’entrai dans une église, le jour de l’Assomption, et je fis vœu de pratiquer les conseils évangéliques. » (Souvenirs de ma jeunesse, (^ éd., pp. 80-88). On voit d’après cela qu’il faut tenir en médiocre estime les expressions : « J’ai la vocation, je n’ai pas la vocation ». Elles tendraient à laisser entendre que, pour se décider au service particulier du Seigneur, il est besoin de se sentir comme entouré d’une sorte de chape tombant soudainement sur l’âme. Non. Là cependant où l’appel général se doublera d’un appel particulier, c’est-à-dire où l’âme, en plus des raisons valant pour tous, aura ses raisons personnelles, la vocation n’en sera que plus nette et plus marquée.

b) L’Eglise, à son tour, quand elle fixe les conditions requises pour devenir religieux ou prêtre, ne vise pas qu’une catégorie spéciale de chrétiens. Le texte vaut pour tous indistinctement : Quilibet. Tout chrétien instruit de sa religion sait qu’il peut, durant son stage sur la terre, ou bien s’enrôler dans le sacerdoce, ou bien avec ou sans le sacerdoce, embrasser la vie religieuse. L’Eglise, après Notre-Seigneur, invite ceux de ses enfants qui le désirent.

Vie sacerdotale, canon 968 : Sacrant ordinationem valide recipit solus vir baptisât us ; licite autem, qui ad norman sacrorum canonum, debitis qualilatihns, judicio proprii ordinarii, prseditus sit, neque ulla detineatur irregularitate aliove impedimenta.

Vie religieuse, canon 538 : In religionem admitti potest quilibet calholicus qui nullo legitimo detineatur impedimento rectaque intenlione moveatur t et ad religionis onera ferenda sit idoneus.

Singulière déformation de cette doctrine dans la fâcheuse pièce de F. db Cunsi., La Viveuse et le moribond.

VIII. Sublimité de la vocation.

1" Virginale, — Sublimité prouvée par : a) les sacrifices qu’elle impose, sacrifice de ce qu’il y a de plus doux sur terre, la paternité, la maternité, les joiesde la famille et du foyer ; b) les exemples qu’elle reproduit. Notre Seigneur a été vierge. Marie et Joseph également ; combien de saints ! L’Eglise latine réclame que ses prêtres soient vierges. On est en bonne compagnie.

2° Sacerdotale. — Sublimité prouvée par : a) la préparation qu’elle exige. « L’Eglise prend par les cheveux la jeunesse toute vive ; elle la purifie par la prière et la pénitence, l’élève par la méditation, l’assouplit par l’obéissance, la transfigure par l’humilité, et, le jour venu, elle la jette parterre dans ses basi-