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1909

VOCATION

1910

Préserver. Il exisle une croyance absolument erronée d’après laquelle beaucoup de chrétiens se représentent la vocation comme une voix impérieuse qui sera fatalement entendue et obéie en temps utile, Qu’importent les contradictions, les résistances, les obstacles ? On dit de celui qui les essuie que. si c’est bien sa vocation, cela ne fera que l’atFermir. Puis, quoi qu’il arrive, on se rassure en pensant que « c’était écrit ». Rien n’est plus faux, note Mgr Dadollb (Le prêtre, Vitte, Lyon), que cette opinion néfaste, très répandue dans le monde et parmi les catholiques eux-mêmes. D’excellents chrétiens, qui savent parfaitement que Dieu les a chargés d’assister leurs enfants dans l’œuvre capitale de leur formation morale et religieuse, de les éclairer de leur expérience et de leur maturité, considéreront comme un devoir de discrétion de ne jamais leur parler de vocation ecclésiastique. Le séminaire et le couvent sont regardés pratiquement comme des lieux redoutables où il ne faut entrer que vaincu par une grâce d’en haut, entraîné irrésistiblement par un appel de Dieu, lequel a dû tomber directement sur l’âme élue, sans passer par aucun canal humain. Le postulat caché de cette façon de voir, c’est qu’on ne se trompe toujours pas en restant dans le inonde, tandis qu’on se tromperait effroyablement si l’on allait au séminaire ou au couvent, sans une indication expresse et, en quelque sorte, miraculeuse de la Providence. Le premier abus de cette fausse idée de la vocation, ajoute Mgt-Dadolle, consiste à se comporter vis-à-vis d’elle d’une manière simplement indifférente, à laisser faire. Laisser faire, pense-t-on, ce n’est pas entraver. « Si vraiment Dieu veut être entendu, qu’il parle. » On oubiie que Dieu n’est entendu que si l’on n’étouffe pas sa voix, que pour parler à l’âme, il demandera souvent à emprunter notre langage humain ; que c’est un devoir d’éclairer les enfants sur les grandeurs et la beauté du sacerdoce et de la vie religieuse.

« Dans une famille chrétienne, écrit René Bazin

(Les hommes de demain, p. aô), il faut qu’un jeune homme entende parler du sacerdoce, qu’il sache quelle est la grandeur de cette vocation, quel besoin le monde a toujours eu, quel besoin toujours pressant il a d’avoir des saints. Vous avez tous remarqué la disproportion entre les prêtres sortis des familles de la campagne ou des familles ouvrières et le nombre de ceux qui sortent des familles bourgeoises. Il eût suffi peut-être qu’il devinât, près de lui, l’acceptation secrète de sa vocation, pour qu’un jeune homme se donnât au salut des âmes. Il n’a rien senti et s’est tu ; peut-être même a-t-il été habilement détourné, peut-être s’est-on moqué. J’ai laconviction, appuyée par le souvenir de beaucoup d’existences inanquées et malheureuses, qu’il y a de par le monde beaucoup d’hommes qui avaient la vocation sacerdotale et qui ne l’ont pas suivie. »

Soutenir. C’est un grand art de mettre les germes surnaturels en état de pouvoir éclore. Donner à l’enfant et au jeune homme l’habitude de la victoire sur lui-même, l’instinct du sacrifice, le sens du dévouement, legoùtdela pureté (Congrégations de la Sainte-Vierge), l’amour ardent de Notre-Seigneur, la soif des âmes. Faire naître dans l’enfant, dans le jeune homme, « l’angoisse du Balnt du monde », la recherche d’un idéal élevé ; le détourner du plaisir facile, de la vie sans luttes ou à demi-rendement ; lui donner l’horreur du mal et l’intelligence de l’inutilité apparente de la Rédemption du Sauveur, en même temps que de ses possibilités d’intervention dans l’histoire divine de l’humanité, à titre de sauveur avec Jésus-Christ. Ne jamais « pousser », ce qui serait grosse imprudence (satire piquante

et d’ailleurs injuste de pareille conduite dans l Empreinte, d’EsiAUNis) ; mais si l’on voit que l’espoir est sérieux, doucement encourager, éuergiquement stimuler, en comprenant bien que, seul, l’Esprit-Saint est le maître des vocations. La Bienheureuse Marie de l’Incarnation (Mme Acarie) élevait si pieusement ses enfants, que plusieurs lui reprochaient de les destiner tous à la vie religieuse. Elle répondit : « Je les destine à accomplir la volonté de Dieu. Si j’étais reine, et que je n’eusse qu’un seul enfant, et qu’il fût appelé à l’état religieux, je ne l’empêcherais pas d’y entrer ; si j’étais pauvre, et que j’eusse douze enfants sans aucun moyen de les élever, je ne voudrais pas être la cause de l’entrée d’un seul en religion : une vocation religieuse ne peut venir que de Dieu. » De fait, les trois filles de Mme Acarie se firent carmélites ; ses trois fils, engagés dans la magistrature, le sacerdoce et le métier des armes, conservèrent toujours dans leurs cœurs les sentiments que leur sainte mère s’était efforcée de leur inspirer.

b) S’il ne fautjamais pousser indiscrètement quelqu’un dans une voie qui n’est pas la sienne, jamais non plus il ne faut détourner un enfant appelé par Dieu, ni s’opposera son entrée dans le sacerdoce ou la vie religieuse (Pierre l’Ermite, Comment j’ai tué mon enfant. Bonne Presse). — « La vocation est-elle encore obscure ? Qu’on l’éclairé 1 Si elle est faible, qu’on l’affermisse I Si elle s’ignore, qu’on la révèle à elle-même ! Si l’on craint qu’elle ne soit en réalité qu’une impression fugitive, qu’on l’éprouve ! Mais, qu’on le sache bien, éprouver n’est pas tuer ; et ce serait vraiment un crime que de prendre un enfant sous prétexte de mieux connaître sa force de volonté, et de l’envoyer froidement là où il serait fatalement exposé à la perle de son innocence et de sa foi ! » (Mgr LoBBEDEY, év. d’Arras, Mandement remarquable sur la vocation, Carême i q13). Dans une pièce qui fit grand bruit, Le Retour de Jérusalem, Maurice Donna y met en scène une mère de famille, Mme Aubier, qui déclare avec sérénité : « Nous sommes de bons catholiques… » Un de ses fils lui répond cruellement :

« Oui, quand ma sœur a voulu prendre le voile, papa

a parlé d’aller égorger son confesseur. » — Et H. Lavedan conte l’histoire d’un jeune garçon que son père, un « bon catholique », a mis dans un établissement ecclésiastique. L’enfant veut être prêtre. Un jour de sortie, il s’en ouvre. Le père écoute, plaisante ; i’enfant insiste. Le père se fâche : « Jamais ! Entends-tu ? C’est encore tes… d’abbés qui t’ont f… ça en tête I Jamais ! J’aimerais mieux te voir mort, oui, mort ! » Aux parents d’imiter plutôt le geste de Louis XV. Quand Madame Louise de France entre au Carmel, le 16 février 1770, l’archevêque Christophe de Beaumont prévient le roi. « Si c’est Dieu qui me demande ma fille, répondit Louis XV, je ne puis ni ne dois la lui refuser ». (L. Aubinbau, L.es serviteurs de Dieu, p. a31).

VIL Appel général et appel spécial.

On l’a vu plus haut, il y a trois grands modèles de vocation : La vocation par illumination impérieuse, qui est très rare, Dieu aimant plus que tout les

« volontaires v ; La vocation d’attrait ; La vocation de

raison. Saint Ionacb décrit ainsi cette dernière : « Le troisième temps est tranquille. L’homme, considérant d’abord pourquoi il a été créé, c’est-à-dire pour louer Dieu Notre-Seigneur et sauver son âme, et touché du désir d’obtenir cette fin, choisit comme moyen un état ou genre de vie parmi ceux qu’autorise l’Eglise, pour mieux travailler au service de son Sauveur et au salut de Bon âme. J’appelle temps tranquille celui où l’àme n’est pas agitée de divers