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VOCATION

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tion pourra êlre très sérieuse et n'être accompagnée d’aucun attrait (3" cas), voire être accompagnée de répugnances. (Exemples : Vie du P. Bonifiant, par le P. Scav, p. ">a. La comtesse ie Saint-Martial, devenue tille de la Charité : Bn Iluut et Vers les Sommets). An* discernementdes esprits » de décider pour chaque cas la valeur de ces indices. S’il y a répugnances, sont-elles objectivement fondées, ou purement subjectives c’est-à-dire provenant de l’appréhension de ce qu’il faudra sacritier ? I ! n’importe. De soi, cela n’est nullement obstacle. Quelquefois, ce pourra être un déterminant, si par exemple ou comprend que l’attrait du sensible sera, dans le monde, un péril mortel pour liais. S’il y a attraits, voir s’ils sont purement sensibles, et donc superficiels, ou au contraire profonds, à base de foi, de surnaturel ; et dans ce cas. examiner : de quand datent-ils ? ont-ils subi des éelipses ? ces éclipses succédaient-elles à des moments de ferveur ou de lâcheté? malgré des éclipses, y a t-il eu une certaine continuité dans les attraits ? dans les moments de plus grande ferveur, de quel cote semblait-on devoir décider ?

c) Il est une troisième manière dont Dieu procède et que nous examinerons plus loin en étudiant la question : Vocation générale et vocation spéciale. D’un mot, cette troisième manière consiste, pour Dieu, à donner simplement à l'âme une raison droite t une intelligence lumineuse de ce qu’est le sacerdoce ou la vie religieuse. Il n’y a pas d’attraits à proprement parler, d’attirance plus ou moins sentie, mais simplement la vue par la foi éclairant la raison, que c’est là un état de vie possible dans l’espèce et tout à fait enviable (Suarbz, De Reli «.. L, V. c. viii, n° 5, éd. Paris, 1850, T. XV, p. 'i’Si, — Lbssius, De statu vitac deligendo, q. iv ; trad. franc, par l’abbé Gavhau).

2° Rôle de l’appelé.

A. Opinions fausses. — Il est, dans un certain monde, une légende — propagée par le théâtre et le roman, — d’après laquelle la vocation naitrait essentiellement :

a) D’une déconvenue, d’une tristesse d'âme, d’un chagrin d’amour, d’une certaine peur de la vie. Ainsi Chateaubriand : « Refuge pour infirmités de l'âme » ; — Napoléon I er : « Asile aux grandes infortunes, aux âmes faibles, aux imaginations exaltées » ; — Emile Ollivirr : « On comprend qu’après certains chocs, les âmes faibles jettent avec terreur, les âmes hautaines avec dédain, leur bouclier sur le champ de bataille, et aillent, les unes fuir, les autres mépriser les jours qui passent, dans l’attente des jours éternels. On comprend que d’autres, plus fragiles ou plus détachées, ennuyées des plaisirs avant de les avoir goûtés, effrayées par les premières clameurs de mêlée mondaine, ne s’y engagent même pas et ne recherchent d’antres combats que les épreuves silencieuses de la vie cachée. » — Le type du genre est Primerose, par de Flers et Caillavet. Au premier acte, la jeune fille voit un prétendant la refuser. Vite, au couvent ! A son oncle, le cardinal : « C’est gênant, je vous dis cela en robe de bal, les bras nus, avec des fleurs dans les cheveux, à côté de tout ce bruit, mais mon cœur est résolu ! » Que pareille vocation ne dure pas, rien d'étonnant. Au 3e acte, elle revient, chassée par les Expulsions. Le prétendant la revoit. Un instant elle hésite, puis tombe dans ses bras, à l’approbation d’ailleurs du cardinal ! — C’est, ni plus ni moins, la thèse enfanlinement romantique de Musset : A quoi révent les jeunes filles, acte n : les deux héroïnes, ayant cru perdre leur prétendant, parlent de se faire religieuses ; — de Balzac dans La duchesse

de langeais : histoire d’amour avec vocation au Carmel, rentrée en ligne du prétendant d’autrefois, et reprise du chagrin d’amour chez l’ancienne délaissée. — E. Rostand n’a pas échappé à cette manie : dans La princesse lointaine, Mclissinde, informée que Geoffroy Rudel va mourir, commence par obéir aux suggestions malsaines du messager, puis, frappée de la mort de Geoffroy, se décide pour le Carmel. Combien d’autresdéformalionssemblables ! Amaury, dans Volupté, de Saintk-Bkuve, se fait prêtre après une vie de don Juan ; — un séminariste, dans Sang basque, de Liciitbnbkrgbk, après avoir aimé une jeune fille, reçoit les Ordres et se tue de desespoir en apprenant que sa fiancée de jadis a versé dans la débauche ; — deux jeunes filles dans Quitta et Georges, de P. Brise et C. Fbrrand, sont entrées au couvent par chagrin d’amour : « Elles souffrent de la même douleur ; la même souffrance insurmontable les a conduites en ces murs de solituds sacrée et il leur semble que, depuis ce temps de prières incessantes, leur cœur est moins ulcéré ». — F. de Curel, dans L’envers d’une sainte, met en scène une jeune fille entrée au Sacré-Coeur, parce que, délaissée par un prétendant, elle a, un jour, en traversant une rivière, poussé du coude et renversé la femme qui l’avait supplantée. Acte ii, se. 5 : » Le bon Dieu ne m’a pas envoyé la grâce d’une vocation spontanée… Il a fallu de lourdes peines pour me conduire à lui » (chagrin d’amour, besoin d’oublier et d’expier). Acte ni, se. i : « Je suis allée murer ma jeunesse dans un cachot… » Acte iii, se. 5, après avoirétouffé dans ses doigts un oiseau : « La cruauté, c’est d’enfermer entre les barreaux une créature née pour voler à tire-d’aile ». Sortie du SacréCœur après dix neuf ans, et ne se sentant pas heureuse dans le monde, elle songe à redemander son admission ; son dernier mot ouvre une perspective sur le suicide : « Ah ! s’il n’y avait pas l’autre vie ! » — Et que dire de la littérature d’ordre inférieur !

Est-il exact que la vocation religieuse ne serait qu’un asile pour âmes fatiguées, mécontentes de leur lot dans le monde ; — que le cloître est uniquement « le refuge des cœurs navrés », genre Ramunlcho, de Loti ?

Rien de plus faux. « Ces sortes de vocation en retour ne sont, dans le domaine des faits, qu’une très infime exception. L’histoire commune est bien plus simple. Les jeunes filles qui se font religieuses n’ont presque jamais eu d’aventure de cœur. Elles obéissent à un attrait direct et puissant. On dirait qu’elles ont vécu, puisqu’elles ont le dédain souriant de la vie. Cependant, elles sont très jeunes : 18ans, 20 ans, 22 ans. Rien n’a froissé leur gaieté épanouie… » (R.Bazin, Questions littéraires et sociales, p. 56). — A. Coqdblbt disant, à propos des cloîtres : « Il faut laisser des refuges ouverts aux grands repentirs et aux grandes douleurs », Louis Vbuillot répond ironiquement : « Cette sottise a obtenu un cours prodigieux. Elle a parfaitement pris dans les demi-cervelles… S’il n’y avait pour peupler les monastères que les grands repentirs et les grandes douleurs, les monastères seraient vides. Ils n’auraient jamais été pleins. » Et encore : « Les grands crimes parviennent à fleurir dans le monde ou vont au bagne. Les grandes douleurs à grands cris Unissent à la cuisine, ou à l’opéra, ou aux secondes noces. » (Parfum de Home 1. 1, 1. vii, n° 8). — Lire les pages magnifiques de Montalembert, (t. V des Moine » d’Occident, p. 38 1). « Quel est donc cet amant invisible, mort sur un gibet il y a dix-huit siècles, et qui attire ainsi à lui la jeunesse, la beauté et l’amour ? qui apparaît aux âmes avec un éclat et un attrait auxquels elles ne peuvent