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1897

VOCATION

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litè chrétienne, il éd., pp. 14a-158), ou Kkisk Bazin (A un nouveau prêtre) : « Ce qu’on demande aujourd’hui à un curé ou un vicaire, d’austérité île vie, de retenue, de zèle et de discipline, ressemble fort à ce que l’on attend d’un religieux… La facilité de mœurs n’a fait « ra’aceroltre ia sévérité publique, dès qu’il s’agit de juger un prèlre… Pensez-y toujours ; persuadez-vous que, par la plus curieuse de » sévérités, ce monde qui ne croit pas, tolère malaisément que vous lui ressembliez, même dans une foule de choses permises… Je pourrais résumer ainsi : Vous avez, par vocation même, le droit de vivre séculicrement ; ils vous demandent de vivre régulièrement. » (Pages religieuses).

IV. Vocation religieuse.

i° Sa vraie nature. — Pour ceux qui entendent accomplir plus que les préceptes obligatoires pour tous, il existe un certain nombre de pratiques facultatives, de « conseils », pour tendre à la perfection. Parmi ces « conseils », il en existe trois que l’Eglise, après l’Evangile, authentifie spécialement (pauvreté, chasteté, obéissance) ; ils constituent l’essence de la vie religieuse. Se rapporter à la réponse du Christ au jeune homme : Si vis perfectus esse, vade, vende, quac liabes, et da pauperibus…et veni, sequere me.ÇVatt., xix, ai). D’après Suarbz, dans ces mots : Vade, vende quæ kabes, Notre-Seigneur unit pauvreté et obéissance, suppose chasteté. Comment, eneffet, suivre Jésus-Christ en toute indépendance, si l’on est marié ? Et comment accorder la pauvreté avec le soin d’une famille ? (Chasteté et obéissance sont d’ailleurs explicitement conseillées dans saint Matthieu, xix, 12 ; xvi, 24, et saint Paul, I Cor., vii, 3a). Si le jeune homme refusa, d’autres chrétiens se laissèrent tenter par les olTres de perfection de Notre Seigneur. Dès les débuts, plusieurs se retirent du monde etles Thébaïdes se remplissent. Des solitaires, tout d’abord. Puis la plupart se groupent autour d’un chef et ils demandent à l’Eglise de les reconnaître. Désirant assurer à leur vie la stabilité, ils, s’engagent par vœu à être, jusqu’à la mort, pauvres, chastes et obéissants. Par la suite, les Ordres, Instituts et Congrégations se multiplient, attestant ainsi la vitalité de l’Eglise. Les uns sont contemplatifs (appliqués principalement à la prière et à la pénitence) ; d’autres actifs (œuvres de zèle pour le service de Dieu et le prochain ; forme actuellement périmée ; — types : les anciens ordres militaires, hospitaliers, etc.) ; mixtes (destinés à la fois à la prière et à l’action apostolique ; — les instituts de fondation récente qui ne sont pas strictement contemplatifs).

2° Les objections. — i ra obj. : C’est se diminuer qu’entrer dans la vie religieuse. Absurde thèse, assez courante chez certains poètes, romanciers, auteurs dramatiques. Pour Musset (On ne badine pas avec Vamour, acte ii, se. 5), vivre sans l’amour et le mariage, ce n’est pas vivre. De Juxks Lemaitrk, dans une bluette de six quatrains, intitulée Le Couvent, cette’5' strophe :

Le cloître et ses mélancolies,

Ses rêves, ses parfums d’encens,

bercent les âmes amollies,

Inquiètes de leurs quinze ans.

Anatole Fkancb, que l’on rencontre toujours là où il y a une idée fausse à exprimer, fait ainsi parler Virgile à un moine, dans un chapitre de Vile des Pingouins, intitulé : La descente de Marhode aux enfers : « Si j’ai contenu mes désirs, ce fut pour ma satisfaction et par bonne discipline : craindre le plaisir et fuir la volupté m’eût paru le plus abject outrage qu’on pût faire à la nature. L’on m’assure

que durant leur vie certains, parmi les élus de ton Dieu, s’abstenaient de nourriture et fuyaient les femmes par amour de la privation et s’exposuient volontairement à d’inutiles souffrances. Je craindrais de rencontrer ces criminels, dont la frénésie me fait horreur. » Selon Hkniii Hkunstein (Israël, Acte iii, se. 3), vivre dans un cloître, ce n’est plus vivre. GuTBiiiL dit à son (ils, qui parle d’entrer et de mourir en religion : « Avant de mourir, il s’agira d’y vivre (au cloître). Jour après jour, de vous éveiller à la vie monacale I Soir après soir, de vous blottir dans le cercueil 1 De ne plus connaître qu’un horizon : les blancheurs d’une cellule ; qu’un sourire : le rictus de la tête de mort ; qu’un ennemi à vaincre : le même lendemain, et puis le même et puis le même et encore le même ! … Ce n’est pas vrai ! … Vous n’êtes pas de cette pauvre pâle ! Vous êtes né pour bouger, pour lutter, pour monter, pour vous accroître ! Vous êtes né pour vivre 1… » Dans La rencontre, de Pibhrb Bbrton (Acte ii, se. 2), Serval, avocat, marié, fait une déclaration d’amour à une jeune veuve et se plaint de son insuccès : « Il y a des hommes qu’on aime et sans doute je ne suis pas de ceux-là. Il faut donc étouffer en moi cet impérieux besoin de tendresse ? Suivre la leçon du prêtre et du moine, en libérant l’esprit aux dépens delà chair ? N’être qu’un demi-homme ? Quelle chute ! Je me sens né pour vivre ma vie tout entière … »

Cette thèse de la prétendue diminution de la personnalité, par les vœux, a inspiré quelques législateurs (voir plus loin Vocation et Persécution), — Waloeck-Roussbau : « Quand, de la personnalité humaine, on retranche ce qui fait qu’on possède, ce qui fait qu’on raisonne (1), ce qui fait qu’on se survit, je demande ce qui reste de la personnalité ! » — C. Cuautbmps, discours de Tours, 5 octobre 1924 : t La congrégation a pour effet, et même pour but, d’anéantir la personnalité humaine ».

Prétendre que la vie religieuse diminue l’homme, c’est aller : a) Contre la doctrine et F exemple de Notre Seigneur. Notre Seigneur a vécu pauvre, chaste, obéissant, et n’a pas été, pour autant, un être « diminué ». Il a fait l’éloge théorique et pratique de la virginité, du mépris des richesses, de la soumission à autrui, et a donné cela comme méthode de perfectionnement, comme idéal de grandeur morale.

b) Contre l enseignement formel de l’Église. — Toutes les fois qu’on a nié théoriquement ou pratiquement la valeur morale et l’efficacité sanctilicatrice soit de la vie religieuse, soit de ses éléments essentiels, l’Eglise a protesté et dénoncé l’erreur (p. ex., condamnation de Wicleff, des Américanistes, etc.). — La doctrine admirablementrésumée dans deux lettres de Léon XIII (au card. Gibbons : Testent benevolentiae, 22 janvier 1899 ; — au card. Richard : Au milieu des consolations, a3 déc. 1900).

— Lettre de Pie X au Supérieur général des Frères des Ecoles chrétiennes (Cum prope diem, 23 avril igo5), déclarant l’obligation du vœu fait à Dieu plus pressante que l’obligation même d’instruire la jeunesse.

c) Contre la raison et le bon sens C’est la débauche qui diminue l’homme, non la chasteté ; la liberté sans aucun frein, non l’obéissance ; l’abus des richesses, non leur privation dans l’espoir des seuls vrais biens. « Rien n’est plus grand sur la terre que le sacrifice que fait un sexe délicat de jeunesse, souvent même d’une haute naissance, pour soulager dans les hôpitaux ce ramas de misères humaines dont la vue est humiliante pour notre orgueil et révoltante pour notre délicatesse. » (Voltaihb). « Prends-moi n’importe qui, dans la rue, et mets-le dans une salle d’hôpital à voir une sœur faire ce qu’elles font toutes,