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1889

VANINI

1890

ten und der TyrannenmorJ, dans Zeitschrift fur Kalholischc Théologie, 189a, p. 556 sqq.

Aussitôt que les Jésuites français eurent connaissance du livre, le P. Louis llicheôme, provincial de Guyenne, le dénonça au général. Celui-ci blâma la publication, et ordonna que L’ouvrage lut corrigé ; une partie de l’éloge de Jacques Clément fut ainsi retranchée (Lauitth, De /tire politico, p. 34).

Les protestants d’Allemagne se bâtèrent de réimprimer le De liège, et de le répandre. Après l’assassinat de Henri IV, le malencontreux ouvrage fut brûlé à Paris, par ordre du Parlement, le 8 juin 1610. Pour réparer le scandale, le T. 11. P. Acquaviva, général delà Compagnie, lança le 8 juillet iGio, un décret fameux, par lequel il défendait à tous ses subordonnés « au nom de la sainte obéissance, sous peine d’exil, d’incapacité à tous les emplois, et d’autres châtiments, de jamais dire, soit publiquement, soit en secret, comme professeurs, ou comme conseillers, ou dans ua écrit quelconque, qu’un particulier, quel qu’il puisse être, et sous n’importe quel prétexte de tyrannie, ait jamais le droit d’attenter à la vie d’un roi ou d’un prince ». Il agissait ainsi

« afin que tout le monde sache bien quelle est la doctrine

de la Compagnie sur ce point, et de peur que l’erreur d’un seul n’attire le soupçon sur tous, bien que tous les hommes de bon sens sachent qu’il est injuste de rendre toute une Société responsable de l’erreur d’un de ses membres ». La même année, le P. Coton lit paraître sa Lettre déclaratoire de la doctrine des Pères Jésuites conforme un Concile de Constance, où il montre, par des textes empruntés aux plus célèbres docteurs de l’Ordre, qu’aucun d’eux n’enseigna les thèses de Mariana, et que plusieurs les réfutèrent par avance, en réfutant Jean Petit. Il concluait avec raison qu’on ne peut pas plus attribuer à la Compagnie l’erreur du seul Mariana qu’à la Sorbonne l’erreur de Jean Petit (cf. Prat, La Compagnie de Jésus au temps du P. Colon, t. III, p. 246 sq., 271 sq, 560.. Lyon, 1876).

On le voit, le tyrannicide au sens strict, c’est-à-dire le meurtre d’un souverain, accompli par un simple particulier, sans mandat de la communauté, n’a été défendu que par bien peu de théologiens, et parmi eux par un seul jésuite. Cette erreur a été expressément réfutée par la plupart des docteurs catholiques.

Il ne serait que juste d’exposer, en regard de leurs assertions, celles de tant de théologiens protestants qui, au cours des xvi° et xvii° siècles, ont enseigné la légitimité du tyrannicide, sans aucune des restrictions que Mariana lui-même apportait à cette thèse périlleuse ; ils ont applaudi aux meurtres d’un François de Guise, d’un Henri III, d’un Henri IV, d’un Charles I’r, avec tout autrement d’enthousiasme que l’auteur du De Rege à l’acte de Jacques Clément. On trouvera leurs principaux textes réunis par Jans sen dans Y Allemagne et la Réforme, t. V, p. 584 sq. Paris, 1899.

Bibliographie. — Aux auteurs signalés dans le corps de l’article, ajouter : A. Brou, S. J., Les jésuites de la légende, t. I, p. 10 1 sq., Paris, 1906 ; B. Duhr, S. J., Jesuitenfabeln, p. 65g sqq., Fribourg, 1899 ; Cardinal Hergenrôther, Katholische Kirche und Cliristliches Staat, p. 4 ?a sqq., Fribourg, 1872.

La thèse de M. A. Douarche, De tyrannicidio apud scriptores xvi sæculi, Paris, 1888, ne doit être consultée qu’avec précaution. On y trouvera un certain nombre de textes intéressants, mais l’auteur manque absolument de sang-froid, ne distingue pas sutlisamment les opinions des différents théologiens, et semble, en plus d’un cas, avoir mal compris leur vocabulaire spécial (cf. P. J.Burnichon, recension dans Les Etudes, t. XLVI, p. 3y3 sqq.).

Joseph db La Servikre.

"V


VANINI (Jules-César), dit Lucilio. — Né vers le I mois de février 1586 à Taurizano, dans le royaume de Naples, entra jeune comme novice dans un couvent de Naples, étudia à l’Université de cette ville, puis à celle de Padoue, où il s’engoua des écrits de Pomponace et de Cardan, voyagea en Allemagne et dans les Pays-Bas, puis devint précepteur à Paris. A la suite d’un meurtre qu’il aurait perpétré en cas de légitime défense, il se retira à Venise dans un couvent de Carmes ; ses relations avec des diplomates anglais le décidèrent à partir pour l’Angleterre, où il passa à l’anglicanisme, malgré son caractère sacerdotal. Etant devenu suspect de catholicisme par suite de ses accointances avec Moravi, chapelain de l’ambassade de Venise, il fut jeté en prison, puis conduit par la Seine jusqu’à Rouen, d’où il se rendit à Bayonne, puis à Gènes. Il y vécut paisiblement et écrivit son A mphitheatrum aeternac Providentiae divinomagiciim ; pour le faire imprimer, il se hasarda à venir à Lyon, puis à Paris. Vanini, qui avait repris la soutane, y exerça les fonctions de prédicateur et devint commensal d’Arthur d’Epinay Saint-Luc, neveu de Bassompierre et abbé commendalaire de Bedon. Compromis par la publication du De admirandis naturæ arcanis, il se réfugia à l’abbaye de Redon, puis à Bayonne, et enfin à Toulouse. Il y fut très vraisemblablement accueilli et patronné d’abord par le professeur espagnol Sanchez (cf. Cazac, Le philosophe Francisco Sanchez le

Tome IV.

sceptique, Boletin de la Real Academia de la Historia, juillet-septembre 1908, pp. 85 et ss.), sous le nom supposé de Pompeio Usiglio, et devint familier du comte de Caraman, gouverneur de Foix. Arrêté par suite de dénonciations, il futrelàché faute de preuves, puis emprisonné de nouveau et condamné par arrêt du Parlement à avoir la langue coupée et à être étranglé, pour athéisme, blasphèmes et autres crimes ; le cadavre fut brûlé (9 février 1619). Huit mois après, avis fut donné au premier président Le Masuyer que l’Usiglio ou Lucilio, comme on disait à Toulouse, n’était autre que Vanini.

Il n’est pas exact de dire que Vanini fut condamné à titre de philosophe libre-penseur ; mais beaucoup d’autres titres le signalèrent à la sévérité des juges de Toulouse : moine défroqué ; mauvais prêtre, homme de mœurs détestables, apostat, passant d’une religion à l’autre sans croire à aucune, selon l’intérêt du moment. Il avait de l’esprit et de l’érudition, s’amusait volontiers aux questions curieuses de la physique et des sciences naturelles, s’occupait d’astrologie et faisait des horoscopes. Après avoir vécu, au point de vue religieux, dans une feinte perpétuelle jusqu’à son dernier jour, se confessant et communiant régulièrement dans sa prison, après, avoir prouvé à ses juges, le matin même de sa mort l’existence de Dieu dans un brillant discours, il jetn le masque lorsqu’il fut condamné, et mourut en athée et eu blasphémateur impénitent. La sentence du

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