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TRINITÉ (LA SAINTE)

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prit ilont il est le fruit (ifc., 12-16) ; en tout cela nous reconnaissons des images que le Créateur a gravées en nous, et qui le représentent.

La théologie de l’Esprit-Saint est plus obscure que celle du Verbe(/fr., XV, 17, ->), sq.). Nous apprenons toutefois que l’Esprit-Saint est amour ; or, en nous, l’amour unit le verbe et l’esprit IX, 8, 13), ainsi en est-il en Dieu ; il est comme le lien de la Trinité, procédant du Père et du Fils, unissant le Père au Fils XV, >-). Pourquoi ne peut-on pas dire que 1 Esprit-Saint est un Fils ? qu’est-ce qui distingue sa procession de la génération duVerbe ? Saint Augustin s’efforce de scruter encorece mystère : « Attolle oculosin ipsam luceru.et eos in eam tige, si potes. Sic enim videbis, i|uid distet nativitas Verbi Dei a processione Doni ' Dei » ; mais il confesse que ses efforts sont vains :

« Sed ad hoc dilucide perspicueque cernendum non 1

potes ibi aciem ligere ; scio, non potes. Verum dico, | mihidico, qxtid non possim scio … Quæ igitur causa | est, cur acie fixa ipsam(lucem) videre non possis, nisi I utique inlirmitas ? Et quid tibi eam fecit, nisi ini- I quilas ? Quis ergo sanat omnes languores tuos, nisi qui propilius lit omnibus iniquitatibus tuis ?Librum itaque istum jam tandem aliquando precatione melius quam disputationeconcludani » XV, 27, 50). Et c’est en effet par une prière que s’achève le livre, par la plus humble et la plus touchante des prières (traduite à la tin de notre livre, Le Dieu vivant, p. i ; t) sq.)

Portée déjà si haut par l’effort du grand Docteur, la théologie catholique a poursuivi son ascension vers Dieu ; elle a continué à scruter cette analogie du verbe mental et de l’amour. On lira particulièrement saint Thomas : sur la génération du Verbe : I a, 27, 2 ; I a. 34 : in Sent., l, d. 27, q. 2 ; Q. disput. de Verit., iv ; de Pot., q. Il ; q. viii, 1 ; Quodl., lv, G ; C. Gent., IV, 1 1 - 14 ; Of/usc. de nalura verbi intellectus. Sur la procession du Saint-Esprit : I a, q, 27, 2 ; q. 36 ; q. 37 ; Sent., I, d. 10 ; c. Gent. IV, 19.

Esquissons seulement quelques-uns des traits si fermement gravés par le saint Docteur, et d’abord la consubstantialité du Verbe de Dieu avec son Père : L’intellect divin est un acte pur ; donc la substance de l’intelligence divine est son acte même d’intellection ; d’autre part, l'être du verbe mental est sa conception par l’esprit ; donc il n’y a qu’un seul et même être du Verbe divin et de l’intelligence divine, et par conséquent, de Dieu lui-même, puisque Dieu est son intelligence. D’ailleurs, l'être de Dieu c’est son essence ou sa nature ; donc le Verbe de Dieu est l'être divin, et son essence, et le vrai Dieu lui-même (C.Gent., IV, 11).

De même la lilialion. Saint Augustin avait déjà enseigné : « Eo Filius quo Verbum, et eo Verbum quo Filius » (De 7>j «., VII, 12, 3). Saint Thomas l’explique ainsi : « Processio Verbi in divinis habet rationem generationis ; procedit enim per modum intelligibilis actionis, quæ est operatio vitae, et a principio conjuncto, et secundura rationem similitudinis, quia conceptio intellectus est simililudo rei intellectae, et in eadem nalura existens, quia in Deo idem est intelligcre et es « e. » (I a, q. 27, 2).

Cette analyse de la filiation divine fait apparaître ce qui dislingue la procession du Saint-Esprit de la génération du Verbe : la conception du verbe mental implique formellement une similitude entre la chose conçue et l’intelligence ; l’amour n’impliqua pas formellement cette similitude, mais l’inclination de la volonté vers son objet ; il suit de là que, dans les processions divines, on trouve dans la conception du Verbe ce caractère de similitude qui nous permet d’y reconnaître une filiation ; on ne le distingue pas dans

la procession du Saint-Esprit (I : i, q. 27, 3). Ainsi se trouve résolue la question que saint Augustin laissait sans réponse.

Remarquons encore que l’acte d’amour suppose l’acte d’intelligence, et ainsi s'éclaire pour nous l’ordre des processions divines (De Polent., x, 2) ; enfin cette analyse fait apparaître la procession du SaintEsprit comme procédant non seulement du Père, mais aussi du Fils ; « Nam amor procedit a verbo, co qttod nihilamare possumus, nisi verbo cordis illud cou cipiamus » (C. Gent., IV, 2^).

Et ces deux processions, selon l’intelligence et selon la volonté, sont les seules que l’on puisse concevoir en Dieu ; ainsi le cycle de la vie divine est fermé ; « postquam vero circulus conclusus est, nihil ultra addi potest ; et ideo non potest sequi tertia processio in nalura divina, sed sequitur ulterius processio in exteriorem naturam » (De Votent., ix, 9).

Ces analogies ne sont pas des démonstrations ; la vie divine est et demeure un mystère transcendant à toute intelligence créée. Mais Dieu lui-même nous a suggéré^ ces analogies par l'Écriture, par la tradition de l'Église ; il est légitime et bienfaisant de nous aider de ces secours pour guider notre foi vers ce mystère où nous tendons.

En terminant cette esquisse théologique, nous devons insister sur la fécondité religieuse de notre foi en ce mystère. La révélation de cette vie divine est déjà pour nous une faveur singulière, faisant de nous non plus des serviteurs, mais des amis et des enfants ; Notre-Seigneur cependant ne s est pas contenté de nous initier à ce secret ; il nous invite à entrer dans cette société intime du Père, du Fils et de l’Esprit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure » (Joan., xiv, 23). Ainsi, tandis que Dieu apparaît à la raison raturelle si solitaire et si lointain, la foi découvre en lui des échanges infinis d’amour et introduit le chrétien dans cette vie ; dès ici-bas la grâce l’y convie : « Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ et l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous » (II Cor., xiii, 13) ; et au ciel ce sera la participation éternelle à cette vie divine.

De cette foi en la Trinité les chrétiens recueillent encore un autre fruit : « Qu’ils soient un comme nous sommes un », demandait le Christ à son Père (Joan., xvn, 22). C’est là sans doute un idéal qui nous dépassera toujours infiniment, mais qui toujours aussi doit nous attirer plus près du but : c’est ainsi que Jésus disait à ses disciples : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Dans les deux cas, ce qu’il propose à notre imitation, c’est un but infiniment distant, mais aussi infiniment enviable : nous ne serons jamais parfaits comme Dieu l’est, mais nous y devrons toujours tendre ; de même, notre union mutuelle ne sera jamais qu’une concorde morale, lointaine image de l’unité de la nature divine ; mais c’est vers cette unité qu’elle tendra comme vers le terme idéal que le Christ assigne à ses efforts.

Ainsi la Trinité divine n’est pas seulement l’objet de notre foi, elle est le modèle idéal de notre vie ; elle e<l aussi la béatidude où tend notre espoir. Les plus intimes amis de Dieu goûtent dès ici-bas les prémices de bonheur, et la contemplation de la Sainte Trinité est pour eux l’inauguration d’une vie nouvelle. La plupart des chrétiens ne peuvent qu’admirer de loin ces rares faveurs ; mais leur baptême leur donne le droit, le devoir d’espérer un bien incomparablement plus précieux encore : la vision face à face, pour l'éternité, du Père, du Fils et du Saint-Esprit.