Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/944

Cette page n’a pas encore été corrigée

1875

TRINITÉ (LA SAINTE)

1876

en vue les conséquences — ou ce qu’ils prenaient pour les conséquences — des doctrines correctes. Partant de là, ils condamnent les doctrines de droite et de gauche, et établissent simplement une doctrine moyenne, qui ne consiste qu’en mots, car elle est contradictoire. Ils la prouvent par le recours au symltole antique, sans même se mettre en peine de le pousser plus axant : un Dieu — mais Père, Fils, et Saint-Esprit ; une personne — maisdivinité parfaite et humanité parfaite ; une personne — mais deux énergies ; » et en note, au sujet de la conclusion :

« On le voit, Denys met simplement en fare l’une de

l’autre la sainte prédication de la monarchie » et f la divine trinité » : stat pro ratione voluntat ». La critique serait ju.*te, si le pape était un théologien qui construit, et non pas un témoin qui conserve. Denys de Rome avait une haute valeur personnelle : Denys d’Alexandrie en rendait témoignage dans la lettre qu’il lui écrivait alors qu’il n'était encore que prêtre (H.E., VII, 8) ; Basile aussi en fait un grand éloge, louant particulièrement la rectitude de sa foi (Ep. il, 70. P. G., XXXII, ^36). Mais ici ce n’est ni l'érudit ni le théologien qui parle, c’est le pape 1.

On a remarqué que l’argumentation de Denys ne tient pas compte ! es subtiles distinctions alexandrines sur le double état du Logos : « L'évêque de Home ne s’est point soucié des spéculations alexandrines, il a laissé de côté leurs thèses compliquées, et s’en est tenu simplement au résultat, tel qu’il le saisissait : trois hypostascs séparées » -. Il faut ajouter, pour comprendre la portée de cette intervention, que l'évêque d’Alexandrie n'était pas seul visé : Denys parle de ceux qui, à Alexandrie,

« sont catéchistes et maîtres de la doctrine divine » : 

manifestement il a en vue l'école catéchétique et sa tradition origéniste. Sans doute cette école était discutée à Alexandrie même : la dénonciation portée contre l'évêque le prouve assez, et Denys de Rome a soin, parmi les catéchistes, de marquer que quelques-uns seulement tiennent les thèses incriminées. Mais, encore une fois, l'évêque n’est pas seul, et c’est sans doute ce qui explique la procédure : la réunion du synode romain, et cette lettre publique et si grave.

Dans cette déclaration deux points sont mis en lumière : l’unité divine et l'éternité du Fils. L’affirmation de l’unité divine a toujours été la grande préoccupation des papes, dès le temps de Victor, de Zéph y rin, deCallisle ; pour sauvegarder cette unité, Denys a recours à la « récapitulation » : « Ilestnécessaire qu’au Dieu de toutes choses soit uni le Verbe divin. Il faut qu’en Dieu revienne habiter et vivre le Saint-Esprit. Enfin il est de toute nécessité que la divine Trinité soit récapitulée et ramassée en un seul, comme en un faite, c’est-à-dire dans le Dieu de tontes choses, le Tout-Puissant ». Dans ce mouvement de la vie divine, qui s'épanche du Père et qui reflue en lui, on saisit les relations qui unissent les trois personnes, et qu’on expliquera plus tard par la T>zpiyùpr, iii ou circuminccssion. Cf. Th. dk Régnon, Etudes de Théologie positive, I, p. 405.

Quant au Pila, Denys s’attache à défendre sa génération et son éternité ; il développe particulièrement l’argument tiré des relations du Fils et du Père : le Fils est la perfection du Père, et par conséquent éternel comme lui. Cet argument sera toujours cher aux Pères, et surtout aux Pères grecs. Cf. Régnon, III, p. I97 sqq.

1. Cf. Haqe.MAN.n, Die 1 Dinisclie k’irc/ie in den ersten drei JahrhunderUn (Freibarg, iar » ' « ), p. 432-445.

2. Fki.tok, Diont/*ii $ nf llexandria (Cambridge, 1904), p. lfi’J et 11. 1 ; cf. Harnack, Dogmengeschichte *, I, p. 771 ; Duchks.nr, Uitloire ancienne de L’Eglise, I, p. '188.

La lettre de Denys d’Alexandrie, malgré ses imprudences ou ses maladresses, était bien loin, à coup sûr, de l’enseignement d’Arius ; mais la lettre de Deny- de Rome a déjà l’accent de Nicée : même souci de l’unité divine, même décision souveraine et catégorique dans lu définition de la foi. Cette barrière infranchissable, contre laquelle soixante ans plus tard 1 hérésie se brisera, c’est elle qui arrête dès lors une théologie aventurer se.

Il est inutile de poursuivre plus loin cette histoire ; ce que nous en avons dit suffit à nous faire constater la perpétuité de la foi de l’Eglise, la source profonde où les Pères de Nicée ont puisé. Cette foi nous est attestée par les plus grands anténicéens, particulièrement par les grands théologiens et martyrs d’Antioche et de Lyon, Ignace et Irénée ; un témoignage plus décisif encore est celui de l'Église entière, que nous recueillons dans sa liturgie tt ses symboles ; enfin cette doctrine est consacrée par l’enseignement des évêques de Rome, depuis Clément jusqu'à Denys, en passant par Victor, Zéphyrin et Calliste.

On ne peut nier que, dans la théologie anténicéenne, surtout chez les apologistes et les Alexandrins, on ne trouve bien des traces de subordinatianisme ; mais il faut reconnaîlre que cette doctrine est fort éloignée des théories d’Arius ; elle s’y oppose en particulier par ce trait essentiel que les anténicéens, considérés dans leur ensemble, professent que le Fils de Dieu n’est pas une créature, mais qu’il est sorti de la substance même du Père : c’est la contradiction du principe fondamental de de l’arianisme.

Aussi, quand l’arianisme éclata, il dut, pour se faire accepter du peuple chrétien, se dissimuler sous des locutions équivoques ; trente ans après Nicée, saint Hn.Ainii s’en plaindra encore : « Hujus quidem usque adhuc impietatis fraude perficitur, ut jam sub antichristi sacerdotibus Christi poiulus non occidat, dum hoc putant illi iidei esse, quod vocis est. Audiunl Deum Christum ; putant esse quod dicitur. Audiunt ante tempora ; putant idipsum ante tempora esse, quod semper est. Sanctiore s aures pleins, quam corda sunt sacerdotum » (C. Auxent., vi. P. /„., X, G 1 3). Pendant les trente premières années de la controverse, les hérétiques cherchèrent à se couvrir de l’Ecriture, surtout de la dialectique, jamais de la tradition ; plus tard ils cherchèrent à Alexandrie des devanciers, et voulurent s’autoriser d’Origène et de Denys ; ils n’invoquent pas d’autre autorité. Saint Atuanasu pourra leur dire : « Voyez, nous pouvons vous démontrer que notre doctrine a été transmise identique de Pères en Pères ; mais vous, nouveaux Juifs et disciples de Caïphe, chez quels Pères pouvez-vous trouver les formules que vous répétez ? » (De décret. Aie. syn., xxviiii, P. G., XXV, 465). Et saint Hilaire :

« Post quadringentos fere annos, postquam Dei unigenitus Filins huniano generi pereunti subvenire.

dignatus est, quasi ante non apostoli, post eorum martyria et excessus fuerint Chrisliani, novella nunc et teterrima lues, non corrupti acris, sed exsecrandorum blasphemorum, Ariana effusa est. Ua illi, qui ante crediderunt, inanem spem immortalitatis habuerunt. Nuprr didicirauscomm » nta bæc fuisse inventa… » (C. Constant., v. P. /.., X, 560. Cf. id., De Trinit., xix-xxi. X, 171-173).

Aussi, au concile de Nicée, deux évêques seulement osèrent se solidariser avec Arius ; et plus tard, malgré toutes les habiletés des rhéteurs, toutes les intrigues des courtisans, toutes les perte* entions des empereurs, la conscience chrétienne se révolta contre cette hérésie mortelle, et cette rcA olta fut irrésistible. Cf, A. d’ALÈs, Le Dogme de Mae