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TRINITÉ (LA SAINTE)

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tiennes, on relève cliez Clément la trace des spéculations platoniciennes ; la tradition philonienne identiliait le logos avec l’idéal et l’intelligible et représentait le Dieu souverain comme transcendant par rapport à lui ; on reconnaît chez Clément et surtout chez Origène l’influence de ces théories : le Fils peut être atteint par une démonstration scientifique, Dieu lui est transcendant (Strom., IV, 25, 1 55) ; pour atteindre Dieu, on doit d’abord se plonger dans la grandeur du Christ, puis avancer dans l’abîme cl parvenir ainsi à la connaissance du Tout-Puissant {Strom., IV. ii, 7 1 > 3) ; le Verbe n’est pas l’unité suprême, il est à la fois unet multiple (Strom., IV, a5, 155, 2).

Cette conception hiérarchique des personnes divines est beaucoup plus accusée chez Origène. Le grand Alexandrin était, sans doute, sincèrement attaché à la foi de l’Eglise, et il l’a assez prouvé en souffrant pour elle ; sur le dogme de la Trinité on peut recueillir chez lui des attestations très explicites de sa foi ; il est sûr que pour lui, la Trinité est un monde divin, transcendant à tout le reste ; elle est seule absolument immatérielle, immuable dans le bien, objet d’adoration et de culte ; sur le Fils en particulier, Origène professe clairement qu’il est distinct du Père, qu’il n’est pas une créature, qu’il est engendré du Père et que sa génération est éternelle, qu’il est intimement uni au Père, puisqu’il est la perfection même du Père. Mais, d’autre part, les trois personnes sont décrites comme constituant une hiérarchie, le Père étant au sommet, le Fils et le Saint-Esprit intermédiaires entre lui et les créatures ; in Joann., XIII, a5, 151-153 (P. G., XIV, 441) ; in Matlh., XV, 10 (P.G., XIII, 1280-1281). D’où cette conclusion que le Fils n’est qu’un degré pour monter à Dieu, et un degré provisoire que les parfaits dépasseront un jour : in Joann., XIX, 6, 305 (P. G., XIV, 536) ; XX, 7, 47 (P. G., XIV, 588) ; XXX1I, 29, 35g(P.G., XIV, 821) ; XIII, 3, 18-19 (P. G., XIV, 404).Du point de vue de la puissance, même conception hiérarchiqueétablissant des degrés inégaux entre les personnes divines et leurs sphères d’action : Periarchon, I, iii, 5 (P. G., XI, 100) ; cf. Cel$. t VIII, 15 ; in Joann., II, 10, "jh{P.G., XIV, 64). Cette hiérarchie apparaît à Origène symbolisée dans le culte que les deux séraphins d’Isaïe rendent au Dieu suprême : Periarchon, I, iii, 4, et in Isaiam, hom.x, a (P. G., XIII, 221) ; « Quæ sunt ista duo Seraphim ? Dominus meus Jésus et Spiritus Sanctus ».

De même Origène, comme Clément et plus que Clément, conçoit Dieu le Père commel’Unité suprême, tandis que le Fils est un et multiple ; in Joann, 1, 19, us (P. G., XIV, 56), I, 20, 119(/fctJ., 5 7) ; II, , 8, 126 {ib., 145) ; VI, 6, 38 (il>. 209) ; Ce/5., VI, 64 ; Periarchon,

! , 2, 2 ; etc. Cf. Revue d’Histoire ecclésiastique, 

XX (1924 », p. 17 sq.

Cette conception théologique retentit immédiatement sur le culte : celui-là seul a droit au culte suprême, qui est en effet le Dieu souverain. Cette conclusion a été très nettement formulée par Origène dans son Traité de la prière, xv-xvi. Nous avons cité et commenté ces textes dans la Revue d’Histoire ecclésiastique, XX (1924), p. 19 33.

On constate donc chez Origène deux tendances contraires ; l’apologiste doit les distinguer, il doit aussi en reconnaître la source. J. Denis, Philosophie d Origène (Paris, 1884), p. n 1, écrit : « La pensée d’Origène se meut dans deux directions opposées. Lorsqu’il ne suit que la logique et les idées où sa fervente piété l’inclinait, il va à l’égalité des personnes divines. Lorsqu’il s’en tient à la tradition qu’il interprète à l’aide de Philoii. ou qu’il défend soit contre le parti de Noet ou de Sabellius, soit contre celui de Théodote et d’Artéinon, soit enfin contre certains gnosti ques qui tendaient à subordonner le Père au Fils, il recule devant les conséquences de sa piété et de la logique et se jette à l’extrémité opposée. » Ce dualismt est incontestable, mais son interprétation est fausse, A l’inverse de ce que notait Denis, il faut reconnaître dans les textes consubstantialistes l’influence de la tradition, dans le subordinatianisme les forces contraires : ce qui le prouve, ce sont les textes eux-mêmes et ensuite l’histoire antérieure et postérieure : a) les livres qui accentuent le plus le subordinatianisme sont les livres savants : in fui ; , m., Periarchon…. : au contraire, ceux qui s’adressent au peuple chrétien, les homélies, gardent le contact avec la foi commune. De plus, et surtout, les thèses les plus nettement subordinatiennes sont manifestement en réaction contre la tradition chrétienne ; ceci est particulière, ment apparent dans la doctrine sur la prière : ni la pratique du peuple chrétien ni celle d’Origène homéliste, n’est conforme à la théorie défendue dans le livre sur la prière et rappelée en quelques endroits du traité contre Celse ; si nous voulons lui trouver un appui traditionnel, nous le reconnaîtrons non dans la doctrine chrétienne, mais dans la spéculation de Philon sur le Verbe grand-prêtre. Même remarque sur la conception du Verbe intermédiaire à mi-chemin entre Dieu et les créatures : Origène comme jadis Philon, se représente le Verbe comme l’idée suprême, l’exemplaire, la vérité, et Dieu comme la bonté qui est par delà l’idée : ce n’est pas la doctrine chrétienne qui conduit là, c’est la philosophie platonicienne et philonienne. h) l’histoire antérieure du dogme confirme ces données : le suboidinatianisme y apparaît surtout dans les spéculations philosophiques des apologistes ou de Clément, et non chez ceux qui expriment directement la foi chrétienne comme Ignace ou Irénée. c) même conclusion à tirer de ce qui suit : l’origénisme eut unegrande influence parmi les philosophes et les lettrés, il ne pénétra jamais la masse des croyants ; il ne trouvait pas chez eux la préparation et la culture hellénique qui seules lui donnaient prise sur les âmes.

Saint Denys d’Alexandrie avait été élève d’Origène ; en 23 1 il remplaja Héraclas à la tête du didascalée d’Alexandrie ; en 247 il lui succéda comme évêque d’Alexandrie. Il fut un grand défenseur de l’_iglise dans une période très troublée : émeute sanglante d’Alexandrie sous Philippe l’Arabe, per sécution de Dèce, puis de Valérien ; et, à l’intérieur même de l’Église, schisme de Novatien, controverse sur le baptême des hérétiques et le millénarisme ; dans toutes ces crises son rôie fut celui d’un pasteur fidèle et vigilant. Vers.260, il eut à intervenir dans une controverse où il fut moins heureux. Dans la Pentapole de Libye, certains évêques tenaient la doctrine de Sabellius ; Denys leur écrivit pour les ramener de leur erreur ; mais, dans sa préoccupation de distinguer le Fils du Père, il en vint à compromettre la consubstantialilé des personnes divi nés. Saint Basile, qui avait en main toutes les pièces du procès, en jugeait ainsi (Ep., 1, 9. P. G., XXXII, 268-269) : « Tu désires les livres de Denys ; ils sont parvenus jusqu’à nous, et en grand nombre ; mais nous n’avons pas ces volumes entre les mains, c’est pourquoi nous ne te les avons pas envoyés. Quant à notre sentiment, le voici : nous n’admirons pas tout dans cet homme ; il y a des choses que nous réprouvons absolument. Car l’impiété qui se répand aujourd’hui, je veux dire celle des Anoméens, on peut dire à peu de chose près, autant que nous le savons, qu’il est le premier à l’avoir semée parmi les hommes. La cause en a été, je crois, non la perversion de son esprit, mais son grand désir de s’opposer à Sabellius. Je le compare volontiers à un