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TRINITÉ (LA SAINTE)

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Cet énoncé n’est évidemment pas la transcription littéral » du symbole ; il en est plutôt un bref commentaire ; mais il en souligne fortement la division tripartite : le premier article, c’est Dieu le Père ; le second article, c*est le Verbe de Dieu ; le troisième article, c est le S iint-Esprit.

On voit aussi très clairement comment ce symbole n’est que le développement de la formule baptismale ; un peu p ! us haut, dans ce même traité, saint Irinée énonce ainsi plus brièvement la règle de f.i :

Voici ce que nous assure la foi, telle que les presbytres. disciples des apôtres, nous l’ont transmise. Tout d’abord, elle nous oblige à nous rappeler que nous avons reçu le baptême pour 1 i r iinisaî m des pèches, au nom de Dieu le "ère, et au iij.h de Jésus Christ, le Fils de Dieu, qui s’est incarné, est mort et est ressuscité, et dans l’Esprit Saint de Dieu’.

Eu terminant son traité, le saint docteur revient à cette règle de foi : « Telle es ! , mon cher ami, la prédication de la vérité, et c’est la règle de notre salut ; c’est aussi la voie qui mène à la vie. Les prophètes l’ont annoncée, le Christ l’a établie, les apôl. es l’ont transmise, partout l’Église l’offre à ses enfants » (c. xcvm). Il rappelle ensuite brièvement les bérésies qui s’attaquent à chacun des trois articles de cette foi, à Dieu le Père, au Fils de Dieu, au Saint-Esprit ; et il conclut enfin son livre :

Par conséquent l’erreur s’est étrangement écartée d’j la vérité sur les tr js articlos principaux de notre baptême. En effet, ou bien ils méprisent le Père, ou bien ils ne reçoivent pas le Fils, en parlant contre l’économie de son incarnation, ou ils n’admettent pas l’Esprit-Saint, c’est-à-dire qu’ils méprisent la prophétie. Il faut nous délier de tous ces incrédules et fuir leur société, si vraiment nous voulons être agrt ables à Dieu et par lui arriver au salut (ce).

Ce comnientaiie de saint Irénée souligne excellemment la foi en la Trinité, telle qu’elle est’enseignée dans le symbole : non seulement il met en relief les trois articles qui le composent, mais en même temps il en manifeste le double aspect : ils sont à la fois l’objet de notre foi et le fondement de notre salut. Cette remarque s’applique, en particulier, à ce qui est dit du Saint-Esprit : il est présenté évidemment comme une personne, non seulement par le parallélisme qui le rapproche du Père et du Fils, mais aussi par le rôle qui lui est attribué : il parle par les prophètes, il enseigne les fidèles, il les conduit dans les voies de la justice ; mais en même temps, il est un don, une grâce : « Il a été répandu sur l’humanité, quand Dieu renouvelait l’homme sur toute la terre. » Ce double aspect de la théologie du Saint-Esprit était manifeste déjà dans le Nouveau Testament 1 ; la tradition chrétienne le présentera sans cesse, sans que, d’ailleurs, tous les écrivains ecclésiastiques aient la sûreté et la précision de doctrine des auteurs inspirés : plus d’un laissera dans l’ombre le caractère personnel du Saint-Esprit et ne le représentera que comme le don ou la grâce de Dieu.

Quelques historiens ont cru reconnaître dans le symbole cette conception « économique » de la Trinité ; ils tirent leur principal argument de la rédaotion du troisième article : ie croyant y confesse le Saint-Esprit, la sainte Église, la rémission des péchés, la résurrection de la chair » ; ce sont là, pensent-ils, quatre biens auxquels le chrétien parti 1. Dém., m. Cf. vu : Après avoir rapporté la symbole, comme on l’a lu ci-dessus, saint Irénée poursuit : « Aussi,

3uand nous sommes régénérés par le baptême qui nous est onné au nom de ces trois personnes, nous sommes enrichis nans cette seconde naissance des biens qui sont en Dieu le Perc, par le moyen de son Fils, avec le Saint-Esprit » 2. Cf. Les Origine » du dogme de la Trinité, p. 375, 434, 539.

cipe ; il ne les affirme que comme tels, dans leur relation avec lui, sans préjuger ce qu’ils peuvent être en eux-mêmes’. Celte interprétation méconnaît la portée réelle du texte : on a vii, en effet, que le symbole se divise en trois articles, visant respectivement le Père, le Fils et le S.iint-Esprit ; on a reconnu pareillement qu’il ne fait que développer la formule par laquelle le néophyte es ! baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Comment, sans faire violence au parallélisme évident de ces trois termes, reconnaître une personne dans le Père et dans le Fils, et ne voir dans lé Saint-Esprit qu’un don ? Comment méconnaître que, dans la formule du baptême, le Saint-Esprit est vraiment une personne ? ou comment reconnaître ce caractère personnel dans la formule du baptême et le nier dans le symbole, qui n’en est que le développement ? Ces arguments sont décisifs, mais il faut y ajouter encore l’interprétation primitive du symbole : le Saint-Esprit y apparaît avant tout comme la personne divine qui, au même titre que le Père et le Fils, est garant des grâces du baptême et objet de la foi. Sans doute, il est aussi le don de Dieu, et le chrétien le reconnaît pour tel ; mais cette profession n’est qu’un écho de la foi ap< tolique ; et si saint Paul et saint Jean ont vu dans le Saint-Esprit à la fois une personne divine et un don de Dieu, pourquoi les chrétiens auraient-ils brisé l’unité de cette foi, et ne pourraient-ils en confesser un article sans nier l’autre ? On connaît le serment par lequel saint Clément, dans sa lettre aux Corinthiens (lviii, 2), prend à témoin le Dieu des chrétiens :

« Vive Dieu et vive le Seigneur Jésus Christ et l’Esprit-Saint, 

la foi et l’espoir des élus. » Ces derniers mots résument et confirment tout ce que nous venons de dire : Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, et tout ensemble la foi et l’espoir du chrétien ; ce mystère de la Trinité n’est pas seulement le mystère de la vie divine, naturellement inaccessible à toute créature ; il est aussi, pour les élus, le mystère de leur salut, il retentit dans toute leur vie, et c’est ainsi qu’ils le professent dans leur symbole.

De l’analyse que nous venons d’esquisser ressort, nous l’espérons, l’importance capitale du symbole baptismal dans l’histoire des dogmes et, en particulier, dans l’histoire du dogme de la Trinité ; au point de vue de l’influence exercée, nul document ne lui est comparable, si l’on excepte les livres inspirés. On reconnaît universellement le rôle décisif joué par le symbole de Nicée ; il marque une date et divise toute l’histoire du dogme en deux périodes : anténicéenne et postnicéenne ; on oublie parfois que le symbole de Nicée n’est lui-même qu’un symbole baptismal

  • ; il contient sans doute plus de précisions

théologiques que le symbole romain, mais il lui est substantiellement identique ; et, s’il a pu s’imposer à la foi de toute l’Église, il le doit non seulement à l’autorité des troiscent dix-huit Pères, mais surtout à l’enseignement apostolique, dont chaque fidèle reconnaissait en lui l’expression traditionnelle.

Ainsi, à l’époque de la grande crise arienne, l’Eglise trouve dans ce symbole, en même temps que

1. Kattenhusch, Das apostolische Symbol, II, p. 475 sqq.

2. On admet en général, sur la foi d’Eusèbe, que le symbole de Nicée s’appuie sur le symbole baptismal de Césarée ; cf. Hort, Two Dissertations, 1, p. 54-72. Contre cette origine, Lu tzmann (Zeitschr. f, N. T. » K., 1925, p. 195-202) a fait valoir des arguments considérables, et avant tout la comparaison des deux symboles (p. 195). Il admet cependant (p. 198). et ce point est certain, que le symbole de Nicée a été rédigé en partant d’un symbole baptismal auquel les Pères du Concile ont ajouté quelques précisions en vue de combattre efficacement l’hérésie arienne. Cf. Harnack, ibid., p. 203.