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1859

TH1NITÉ (LA SAINTE)

1860

Toute cette Urologie de la Trinité, si lumineuse ei si ferme, n’est que le commentaire de la formule du baptême et l’interprétation de la liturgie baptismale. Les textes que nous avons recueillis jusqu’ici nous font connaître l’usage liturgique de la Syrie, de Rome, de l’Asie mineure, de la Gaule ; vers la lin du ne siècle, Terlullien apporte le témoignage &t l’Afrique’ ; au cours du siècle suivant, Okigiïnb y joint celui de l’Egypte : non seulement il atteste l’usage liturgique dans des textes nombreux 2, mais il en tire un argument pour établir la divinité du Saint-Esprit et conclut « tantae- esse auctoritatis subslantiam Spirilus Sancti, ut salularis baptismus non aliter nisi excellentissimæ omnium Trinitalis auctoritate, id est Patris et Filii et Spirilus Sancti eognominatione compleatur et ingenito Deo Patri et unigenito eius Filio nomen quoque Spirilus Sancti copulelur 3 ».

Le rite lui-même souligne la formule trinitaire qu’il accompagne : on a pu remarquer plus haut, dans le texte de la Didachè, la triple infusion qui est prescrite ; la même répétition était de rigueur dans le baptême par immersion, et Tertullien en tire un argument pour prouver, contre Praxéas, la distinction des trois personnes divines’*. La signification théologique de cette triple immersion était encore soulignée par les interrogations et les réponses qui raccompagnaient.

Tout cet ensemble liturgique, de formules et de rites, a donc une signification très ferme et que tout chrétien perçoit : dès le seuil de la vie chrétienne, le néophyte se trouve en face des trois personnes divines ; c’est à elles qu’il se consacre et c’est elles qu’il prend comme témoins des engagements qu’il contracte, comme garants des grâces qu’il espère :

« Angélus baptismi arbiter superventuro Spirilui

Sancto vias dirigit ablutione delictoruin, quam fides impelrat obsignata in Pâtre et Filio et Spirilu Sancto. Nam si in tribus testibns stabil omne verbum, quanto magis, dum babemus per benedictionem eosdem arbilros fidei quos et sponsores salutis, sullicit ad liduciam spei noslræ etiam numerus nominum divinorum 5 ? »

Aussi, à l’époque des grandes controverses sur le dogme de la Trinité, la formule et le rite du baptême devinrent-ils, pour les tenants de la cause catholique, un argument de prédilection. Si les Ariens ont raison, si le Fils et le Saint-Esprit ne sont que des créatures, nous sommes donc consacrés par le baptême à la fois au Créateur et à deux créatures, nous engageons donc notre foi, nous adressons notre prière par la même formule à Dieu et à deux êtres créés par lui 6.

1. De bapt., un ; adv. Pra.r., xxvi (cf. infra) ; de præter., zz.

2. In loan., VI, xxxui, 166 (éd. Preuschen, p. 142) ; ibid., fr. 3C (p. 512), i. 20-24 ; ire liai, boni, iv, i ; in Rom., t. V, 8 ; ire E.rod., boni, viii, 4 ; in Gen., hotn. vm ; in Num., l.cm. xii ; elc.

3. De principiis, I, III, 2.

4. (Christtis affirmai) Palris Filium confessurum côn es, et neg-uturum negatores suos #pud l’alrem… et posl resurreclionem spondens missurum se discipulis promiasionem Patri », et novissime mandans ut tinguerent in Patrem et Filium et Spirittim Sanctura, non in unum. Nam nec semel, sed ter, ad singula nomina in personas singnlm linguimur (Advenus Pia.ream, Xxvi). Cf. Tert., de cor. mil.. 3 ; can. 1 HippAS ( « d. Acbelis, p. 97) ; Pistis Sophia, c. 122 (éd. Schmidt, p. 202). Parmi les nombreux texte » du iv c siècle où ce rite est mentionné, on remarquera en particulier saint Basile, DeSpiritu Sancto xxvii, 06 (P. G., XXXII, 188), où le saint docteur donne cet usage comme un exemple de tradition apostolique. 5. Tbrtull., de bapt, ti.

C. Athan., Orat. cont. Ar., il, 41 (P. G., XXVI, 233) ;

A l’époque où nous sommes, les controverses sont plus rares sur le dogme de la Trinité ; déjà cependant, cette argumentation apparaît : nous l’avons relevée ci-dessus dans les textes d’Origène et de Tertullien, où les rites du baptême servent à prouver soit la divinité du Saint-Esprit, soit la distinction des personnes divines.

Ce qui donne à cet argument une force particulière, c’est que cette liturgie baptismale n’esl point née d’une préoccupation polémique ; elle domine toutes les controverses dogmatiques parce qu’elle leur est antérieure à toutes. Lorsque les gnostiques se séparent de la grande Église, ils emportent avec eux cette tradition qu’ils y ont puisée ; leur Trinité, sans doute, est déformée par leurs spéculations mythologiques ; mais on la reconnaît encore dans les formules qu’ils emploient, dans celle-ci, pur exemple, dont les Marcosiens usaient vers l’an 160 et qui nous a été conservée par saint lrénée : ils baptisent, nous dit-il, « au nom du Père inconnu de l’univers, de la Vérité, mère de tous les êtres, et de Celui qui est descendu en Jésus 1 ». A l’autre extrémité des groupes hérétiques, se trouvent les monarehiens qui méconnaissent la distinction réelle des personnes divines ; leur hérésie récente ne leur a pas fait oublier l’antique tradition de l’Eglise et eux aussi baptisent au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit et par une triple immersion 2.

Parmi les rites du baptême, il en est surtout dont l’influence en matière de foi a été décisive : c’est la récitation du symbole. Le Symbole des apôtres a été étudie dans ce Dictionnaire par M. Vacandard, nous n’avons pas à en écrire de nouveau l’histoire ; nous tenons seulement à en signaler la portée dogmatique. Elle est excellement marquée par saint InÉnék, dans sa Démonstration de la vérité apostolique.

Dès le début du livre, lrénée en appelle à celle

« règle de foi inaltérable » > ; voici comment il

l’énonce :

Voici l’enseignement méthodique de notre foi, la base de l’édifice et te fou. eu. eut de notre salut : Dieu le Père, incréé, inengendré, invisible, Dieu unique, créateur do tout : c’est le premier article de notre Ici. Quant au second article, le voici : c’est le Verbe de Dieu, le l’ils de Dieu, Jésus-Christ Noire-Seigneur, qui est app ru aux prophètes en la forme décrite dans leurs oracles et selon l’économie spéciale du Père, (le Verbe) par lequel tout a été fait et qui, dans la plénitude des temps, pour récapituler et contenir toutes choses, s’est fait homme, né des hommes, s’est rendu visible et palpab’e, afin de détruire la mort et de montrer la vie, et de rétablir l’union entre Dieu et l’homme. Quant au troisK-mo article, c’est le Saint-Lsprit qui a parlé par les prophètes, a enseigné à nos pères les choses divines et a conduit les justes dans la voi.- de la justice : c est lui qui, dans la plénitude des temps, a été répandu d’une manière nouvelle sur l’humanité, tandis que Dieu renouvelait l’homme sur toute la terre a.

Gukc. Naz., Or. xxxvii, 18 (P. G., XXXVI, 304) ; ÛBBO. Nyss., Orat. catech, xxxix (éd. Srawl*y, p. 156) ; cf. Origines du dogme de la Trinité, p. 480, où sont cités d’autres textes de la même époque.

1. Advenus hacrtses, 1, 21, 3 : 0 « Si aycuztv l- T’Loup, xat pKTTTiÇ’ykTî ; si/T&j ; £7Ti/£ - /ovff<u. Ei ? ivipu. êv/vùrtou l «.Xf, Ôi T&V $Jb>v, eej c/’irfiiiav u.r, Tépvi Ttc/.v : urj £i’ç : w’7TiJ66vTX £< « ’LnjOv, £(’4 iyoïaiv x.a.i àJtoXûnotaMV xv.i xecvauuiw t&v Suiidptuv- Dans les trois premiers articles de cette formule 0.1 reconnaît les trois personnes divine, plus ou moins défigurée » par le gnosticisine : 1e 1ère ( « le Père inconnnu de l’univers »), le Fils ( « la Vérité, mère de tous les êtres »), le Saint-F. sprit « (Celui qui est descendu en Jésus »). Dans les trois derniers on peut reconnaître l’Fglise, la rémission des péchés, la communion des saints.

2. C’est co qui ressort de l’argua entation d « Tertullien, adv. l’raar t., xxvi.

3. Démonstration (trad, Barlhoulot), c. vi ; cf. ibid., m.