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TRINITÉ (LA SAINTE)

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assez qu'à cette heure la révélation chrétienne n'était pas consommée ; il y fallait la Pentecôte, et tout le développement de la prédication apostolique. Toutefois, c’est dans l’enseignement et l’apparition du Fils de Dieu que le mystère divin nous apparaît d’abord.

On peut dans l’ensemble de la vie du Christ distinguer quelques manifestations plus lumineuses ; et tout d’abord l’annonce faite à Marie par l’ange, au jour de la conception virginale : « L’Esprit-Saint viendra sur loi, et la Vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; c’est pourquoi le fruit saint qui naîtra de toi sera appelé le Fils de Dieu. » (Luc, 1, 35). Cf. A. Durand, L’enfance de Jésus-Christ (Paris, 1908), p. 156 ; A. Médkbiellk, art. Annonciation, Suppl. au Dict. de la Bible, col. 291-294 ; Origines du dogme de la Trinité 6, p. 302, 33 1-335.

Trente ans plus tard, Jésus est baptisé dans le Jourdain ; comme il sortait de l’eau après le baptême et qu’il était en prière, le ciel s’ouvrit et le SaintEsprit descendit sous la forme d’une colombe, en même temps qu’une voix se lit entendre : « Tu es mon Fils unique ; en loi je me suis complu » (Marc, 1, 1 1. Les mots vlit à-yxirriroi, selon l’usage hellénique de l'époque et l’ancienne interprétation patristique, signifient « tils unique » plutôt que « fils bien-aimé ». Cf. Origines, p. 268, n. 1 et 324, n. 8). Cette scène est une des plus solennelles de tout l’Evangile ; elle couronne tout le ministère du Précurseur : Dieu lui donnait la révélation décisive qu’il lui avait promise (Jean, i, 32-34)- En même temps Dieu conférait à Jésus, au début de son œuvre d'évangélisat ; on, une garantie solennelle. Nous reconnaissons ainsi dans cette scène la première manifestation solennelle de la Sainte Trinité ; le baptême chrétien devait être consacré par elle (Matt., xxviii, 19) ; le baptême du Christ en est déjà la révélation ; sans doute, cette révélation ne sera comprise que plus tard par les chrétiens que le Christ aura instruits et que le SaintEsprit aura éclairés intérieurement ; ils se reporteront alors vers ce premier jour de la vie publique du Seigneur, et ils aimeront à y reconnaître la première manifestation du Dieu Père, Fils et SaintEsprit.

Ce n’est que peu à peu que les apôtres sont, parle Père, conduits au Fils et introduits dans les secrets divins. Après la pêche miraculeuse (Luc, v, (,-n), Pierre se jette aux genoux de Jésus en s'écriant :

« Retire-toi de moi, Seigneur, parce que je suis un

homme pécheur ».Unpeu plus tard, les apôtres sont dans leur barque et repassent le lac ; soudain Jésus apparaît, marchant sur les eaux. Pierre s'écrie :

« Seigneur, si c’est toi, dis-moi de venir à toi sur les

eaux » ; Jésus lui dit : « Viens 1 » Pierre s’avance, mais, pris de peur, il commence à enfoncer ; Jésus le relève et monte avec lui dans la barque ; les apôtres se prosternent alors devant Jésus, en disant :

« Tu es vraiment le Fils de Dieu ». (Matth., xiv, 

22-33).

Vers la même date, Jésus, enseignant dans la synagogue de Capharmuim, se présente comme le pain de vie descendu du ciel. Beaucoup de disciples se scandalisent et s'éloignent ; le Christ, se tournant vers ceux qui restent, leur dit : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Et Pierre lui répond au nom de tous :

« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de

vie éternelle ; et nous croyons et nous sommes sûrs que tu es le Saint de Dieu. » (Jean, vi, 6769).

Peu après, à Césarée de Philippe, la confession plus solennelle encore que Pierre fait au nom de tous, marque un nouveau progrès de la foi des apôtres, et Jésus, par sa réponse, en consacre l’origine divine :

Qui dit-on qu’est le Fils de l’homme ? Et les disciples répondent : Le » uns disent que c’est Jean-Baptiste, d’autres Elie, d’autres Jérémie, ou un des prophètes. Et Jésus leur dit : Et vous, qui dites-vous que je suis ? SimonPierre lui répondit : Tu es le Christ, Fils du Dieu vivant. Et Jésus reprit : Ta es heureux, Simon, fils de Jean ; car ce n’est pas la chair et le sansr qui te l’a révélé, mais mon Père, qui est au ciel. (Malth., xvi, 13-17). Cf sur ce texte, Lagrange, Saint Matthieu, p. 3 la sqq. ; Originel, p. 315 sq.

Six jours plus lard, cette révélation du Père céleste était confirmée par la glorieuse théophanie de la Transfiguration :

Et six jours après, Jésus prend Pierre et Jacques et Jeun son frère, et les emmène sur une haute montagne à l'écart. Et en leur présence il fut transfiguré, et sa face resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. Et voici que Moïse et Elie leur apparurent, s’entretenant avec lui. Alors Pierre prit la parole et dit à Jésus : Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu veux, je ferai ici trois lentes, une pour toi, une Moïse et une pour Elie. Pendant qu’il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les recouvrit, et voici que de la nuée une voix se lit entendre, qui dit ; Celui- ci est mon Fils unique, en qui je me suis complu ; écoutez-le. Les disciples, ayant entendu cela, se jetèrent la face contre terre, et eurent une grande frayeur. Et Jésus s’approcha d’eux, les toucha et leur dit : Levez-vous et n’ayez pas peur ! El quand ils levèrent les yeux, ils ne virent personne, sinon Jésus seul. (Malt, xvii, 1-8).

Ces textes marquent pour nous quelques étapes de la manifestation progressive du Fils de Dieu ; pour en saisir toute la portée, il fan Irait relire intégralement l’Evangile. On trouvera cette étude ici même dans l’article magistral du P. dk Grandmaison, sur Jésus-Christ. Nous nous contenterons de rappeler ici quelques traits de cette démonstration évangélique.

Vis-à-vis de la foule des disciples plus encore que vis-à-vis du petit groupe des apôtres, l’enseignement de Jésus est prudent, lentement progressif ; mais dès ses premiers discours il ébranle lésâmes, et peu à peu il les attire vers le mystère divin qu’il doit leur révéler. Dès le début, il s’impose par l’autorité souveraine de sa parole (Matth., vir, 28-2g) ; il revendique, en face des pharisiens scandalisés, le pouvoir de remettre les péchés (Marc, ii, 1-12) ; il se présente comme maître du Sabbat (Ibid., ii, 23-28), comme plus grand que le temple (Matth., xii, 5-6). Il exerce sur les âmes un pouvoir souverain ; il réclame tout pour lui, sachant que tout lui est du et qu’il peut tout rendre (Ibid., x, 37-3q) ; dès maintenant, l’amour qu’on lui porte efface les fautes (Luc, vu, 36-50) ; au dernier jour, c’est sur l’attitude des hommes envers lui que tous seront jugés (Matth., vu, 22-23 ; xxvi, 35-46), et jugés par lui (Ibid.) : « il viendra dans la gloire de son Père, avec ses anges, et alors il rendra à chacun seloo ses œuvres » (Ibid., xvi, 27 ; cf. xxiv, 30-31). Ce rôle de juge souverain, commandant aux anges, sauvant ou condamnant les hommes, était communément attribué par les Juifs non au Messie, mais à Dieu même (Origines, p. 283 sqq) ; Jésus le revendique.

Cette transcendance est affirmée avec une énergie particulière pendant la dernière semaine de la vie de Jésus. Le temps n’est plus de la préparation réservée et patiente, l’heure est venue des avertissements suprêmes. On les relève particulièrement dans la parabole des vignerons (Marc, xii, 1-9) : ce qui y est enseigné, ce n’est pas seulement la mort du Christ et le châtiment des Juifs, c’est l’histoire du peuple de Dieu représenté sous l’image traditionnelle de la vigne ; les prophètes, envoyés d’abord par Dieu, ne sont que des serviteurs ; le Messie, que Dieu, envoie