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1849

TRINITÉ (LA SAINTE)

1850

NOM, de gloire en gloive, la splendeur de la Trinité rayonnât progressivement’».

Ce texte du grand docteur nous fait exactement saisir le plan providentiel dans la révélation du mystère : c’était le Fils de Dieu qui devait introduire les hommes dans le secret de la vie divine ; à cette révélation décisive l’Ancien Testament devait préparer progressivement le peuple élu. C’est ainsi en effet que se révèle à nous, à travers les livres saints, la lumière céleste, « rayonnant progressivement, de gloire en gloire ».

i) Avant de retracer ce progrès, il peut être utile de jeter un regard sur le monde païen. Les traditionalistes, Chateaubriand, Lamennais, Bonnetty, ont cru retrouver dans les mythologies les plus diverses les vestiges d’une révélation de la Trinité. Gladstone en reconnaît la trace dans le trident de Poséidon, ou encore dans la triade Zens-Poséidon -Héré ; V. Duruy, dans Zeas-Poseidon-Hadès. Aujourd’hui encore certains missionnaires aiment à signaler des rapprochements semblables. Ces analogies sont plus spécieuses que profondes ; et, comme le rappelait récemment (Recherciies de Science religieuse, 1927, p. 4}5, n. 3 ô) le P. Pinard uk La Boullaye, il est imprudent d’accorder aux païens la connaissance d’une révélation que les Pères n’ont pas reconnue chez les Juifs.

Les critiques radicaux qui essaient aujourd’hui d’expliquer l’origine du christianisme par l’inlluence des religions païennes, ne manquent pas de rechercher, eux aussi, des analogies dans les religions de l’Egypte, de la Grèce ou de l’Orient ; les plus avisés d’entre eux renoncent toutefois à presser ces comparaisons fragiles, mais dans les groupes ternaires de dieux ou de héros, ils dénoncent des créations spontanées de l’âme humaine, suivant un rythme instinctif. Ainsi II. Usbneb, Dreilieit, dans Rheinisches Muséum fur Philologie, Neue Folge, LVIII (1903, p. i-4/, 161-208, 321-362). Il conclut (p. 363- ;) : « Le dogme chrétien de la Trinité de Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, n’a pas été révélé, mais il est né, il s’est produit sous l’action du même instinct, que nous avons vu à l’œuvre dans les religions anciennes. » Cette hypothèse futile n’essaie même pas d’expliquer l’élément capital du problème, c’est-à-dire le caractère propre de la Trinité chrétienne, et ses relations avec la foi juive d’où elle est née.

Sur toute cette question, cf. nos Origines du Dogme de la Trinité 6, p. 17 sq. On peut voir un expos S et une critique des thèses comparatistes dans C. Clbmbn, Religionsgescliichlliche Erldurung des N. T. 2, p. 125-128, et Harnack, Entstehung der Kirchenverfassung (Leipzig, 1910), p. 187-198.

2) Dans l’Ancien Testament, Dieu a préparé son peuple à la révélation chrétienne, tout d’abord en maintenant la pureté de sa foi, et ensuite en l’éclairant progressivement de lumières nouvelles.

Depuis le retour de l’exil et surtout depuis la réaction machabéenue, les Juifs ont, en face du polythéisme et de l’idolâtrie, une horreur qui ne transige plus, mais qui repousse et qui condamne. Xoa seulement les livres inspirés, mais tous les livres juifs de cette époque allirment la même foi rigoureusement monothéiste et la même horreur des idoles, et les faits confirment le témoignage des livres : sur la grande porte du temple, Hérode avait fait placer une aigle d’or, le peuple l’abattit ; Pilale provoqua une révolte pour avoir fait entrer à Jérusalem ses troupes portant les images des empereurs ; pour éviter un pareil soulèvement, Vitellius, se rendant d’Antioehe à Pétra, céda aux instances des Juifs et

1. OraL thtol. v, 26 (P. G., XXXVI, ICI) ; cf. ibid, 25 (160).

lit un long circuit plutôt que de traverser la Palestine. Quand Caligula voulut faire mettre sa statue dans le temple de Jérusalem, l’émotion populaire fut telle que Petronius, le gouverneur de Syrie, recula (sur tous ces faits, cf. Origines, p. K>4).

Et tout cela est continué par le témoignage de l’Evangile. Notre-Seigneur corrige sur d’autres points l’enseignement communément donné au peuple juif ; mais sur la foi au Dieu unique, il n’a pas de réforme à introduire : si on lui demande quel est le premier de tous les commandements, il répond comme répondent les docteurs : « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est un Seigneur unique » (Marc, xa, 29).

Ce monothéisme si ferme était pour la révélation de la Trinité une condition indispensable et il sera toujours pour la foi orthodoxe en la Trinité la sauvegarde la plus ellicace.

Mais, en même temps que Dieu protège ainsi la foi de son peuple, il commence à l’enrichir ; il lui fait pressentir, dans l’unité de la nature divine, une pluralité de personnes. Certains textes, éclairés de la lumière de l’Évangile, feront apparaître aux yeux des Pères les premiers linéaments de cette doctrine que les Juifs n’entendaient pas encore et que le Christ enseignera : Gen., 1, 26 ; ii, 22 ; xi, 7 ; Is., vi, 8. Cf. Origines, p. 5Ô2-558.

Une préparation plus efficace apparaît dans la doctrine de la Sagesse (cf. Origines, p, 122-131). Les textes les plus importants se lisent au livre des Proverbes (vin, 22 sqq.), de l’Ecclésiastique (xxiv, 3 sqq.) et de la Sagesse de Salomon (vn-ix). Ces textes avaient déjà été remarqués par les Juifs, antérieurement à la révélation chrétienne, ils y avaient reconnu la préexistence de la Sagesse, qu’ils identifiaient souvent avec la Loi ; saint Paul reprendra le texte des Prover bes pour l’appliquer au Fils de Dieu,

« le premier-né de toute la création » (Col., 1, 10) ; 

les Apologistes s’en serviront comme d’une arme de choix pour prouver soit aux Gentils, soit aux Juifs la préexistence du Verbe et son rôle dans l’œuvre de la création. Dans V Ecclésiastique, et surtout dans la Sagesse, cette doctrine se précise : « La Sagesse est le souille de la puissance de Dieu, une pure émanation de la gloire du Tout-Puissant ; aussi rien de souillé ne peut tomber sur elle. Elle est la splendeur de la lumière éternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu et l’image de sa bonté » (Sap., vii, 2526). Plusieurs de ces expressions ont été reprises dans l’épltre aux Hébreux, et plus tard, au cours de la controverse arienne, les Pères y ont insisté fréquemment.

D’autres doctrines bibliques, celle de la Parole, du Messie, et aussi celle de l’Esprit de Dieu préparaient les âmes à la révélation chrétienne. Les Juifs ne discernaient pas encore le terme où convergeaient tous ces traits ; mais les chrétiens, qu’éclaire la lumière de l’Evangile, peuvent, en se retournant vers le passé, y distinguer le dessein de Dieu frayant les voies à son Fils.

3) Dans l’Evangile lui-même, la révélation divine nous appar.iit prudente, patiente, évitant de blesser des yeux trop faibles par une clarté trop vive. Dans le discours après la Cène Notre-Seigneur dira encore à ses apôtres : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter présentement ; quand il sera venu, l’Esprit de vérité, il vous introduira en toute vérité » (Jcan, xvi, 12-13) ; et un peu plus haut, dans ce môme discours :

« Voici si longtemps que je suis avec vous, 

et tu ne me connais pas encore, Philippe ? Qui m’a vu, a vu le Père » (Ibid, , xiv, 9). Ces paroles, adressées par le Seigneur, au dernier jour de sa vie mortelle, à ses confidents les plus intimes, nous disent