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TRANSFORMISME

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Nous ne nous le dissimulons pas, cette interprétation laisse intact le mystère de la genèse de tous les principes vitaux : qu’il s’agisse des principes vitaux cellulaires, aussi bien que des principes vitaux d’organismes pluricellulaires. Il n’y a à cela rien de surprenant ; nos concepts premiers sont tous tirés de l’expérience sensible ou intellectuelle et aucune expérience ne met sous les prises de notre intelligence une genèse de ce genre. Les seules causalités que nous connaissions ainsi immédiatement sont la causalité efficiente et la causalité finale. Les concepts de cause formelle et de cause matérielle sont construits et formés de notes que notre esprit assemble comme il peut. Il ne nous représente rien d’absolument clair. Qu’on le veuille ou non, il en sera toujours ainsi, et seuls peuvent s’en étonner ceux qui n’ont jamais réflécbi au très petitnombredenos idées primitivesetinanalysables, seules données immédiates intelligibles que notre esprit peut à sa guise associer, combiner pour former tous nos autres concepts. Si nous ne comprenons pas parfaitement ce qu’est une cause formelle, quoi de surprenant à ce que le mode de liaison génétique de ce genre d’êtres demeure irrémédiablement en dehors des objets proportionnés à notre mode de connaissance ?

Pour que l’on ne se méprenne point sur le sens que nous donnons à l’animisme vitaliste, notons qu’il ne s’agit nullement d’admettre dans l’être vivant, je ne sais quelle force vitale qui produirait des effets matériels en dehors du déterminisme physicochimique, auquel sont soumis tous les phénomènes organiques. Le principe vital, tel que nous le concevons, est » in principe substantiel qui agit sur un autre plan, pourrait-on dire, que la matière inorganique. Il oriente l’action totale du vivantenne faisant vraiment qu’un seul être composé avec les éléments inorganiques.

Le P. Triliiard a très exactement exprimé la véritable nature du seul vitalismequi soit en accord avec les exigences des sciences positives.

Ce qui est antiscientifique dans le vilalisme, c’est d’intercaler la vie dans la série des causes physico-cliimiques, de façon à lui faire produire directement des effets pondérables et mesurables qui lui seraient spéciaux, comme si elle était une espèce de radiation ou d’électricité. Mais que la vie soit conçue ainsi que doit l’être toute cause spirituelle, comme une force synthétique d’ordre snpérienr à celui des forces physico-chimiques, capable de coordonner celles-ci et de jouer sur elles sans jamais rompre ni fausser leur déterminisme, alors, on ne voit pas pourquoi la science s’en offusquerait davantage que de la liberté humaine, dont cependant, à moins d’être mécaniste renforcé, on ne peut guère songer à se débarrasser. Parce que la vie est un fadeur physique d’ordre supérieur aux forces pondérables, il nous est toujours aussi possible d’analyser ses productions sans la rencontrer elle-même, que d’expliquer une montra sans penser à l’horloger ; à chaque instant l’Univers, même supposé doué de forces psychiques, représente bien un circuit fermé de déterminismes, qui s’introduisent naturellement. Mais d’un autre côté, parceque ces forces psychiques constituent au fond le facteur de coordination des divers systèmes déterminés dont l’ensemble constitue le Monde animé, les transformations successives de celui-ci ne sauraient être expl13uées sans que nous ayons recours à d’impondérables forces e synthèse. (Le paradoxe transformiite, p. 731).

Si les « forces de synthèse » qui déterminent la vie purement organique peuvent être dites psychiques, pour autant qu’elles sont des principes d’action irréductibles à la matière des âmes, ou des psychés, ou des psychoïdes, suivant la terminologie adoptée, il ne s’ensuit évidemment pas, d’après tout ce que nous avons dit plus haut, qu’il faille les concevoir com me des principes psychiques au sens moderne du mot, c’est-à-dire des réalités analogues à la pensée consciente ou subconsciente.

Il ne nous semble pas que le P. Teilhard se soit suffisamment mis en garde contre cette confusion ; et tel de ses textes pourrait être trop facilement interprété dans le sens du « psychologisme » que nous avons critiqué chez M. Le Roy : « Est-il suffisant, demande l’émincnt paléontologiste, pour expliquer l’état biologique présent de l’univers, de noter, entre le milieu qui nous entoure et les organismes, des relations d’adaptation et de sélection, des phénomènes d’harmonisation mécanique et d’excitation fonctionnelle ? Ou bien ne devons-nous pas transporter jusqu’à un centre psychologique d’expansion vitale et comprendre comme une poussée positive vers la lumière, le dynamisme véritable de l’évolution ? » {Etudes, art. cité, p. 640).

Si nous entendons bien cette question, la lumière dont il s’agit serait celle des phénomènes de conscience avec, au sommet, celle qui distingue l’intelligence. Le P. Teilhard admet comme nous que celleci, qui est la dernière venue, n’est pas en continuité avec les degrés inférieurs du psychisme conscient.

Pourquoi postuler au point de départ « un centre psychologique d’expansion vitale », si les démarches de la vie peuvent et doivent s’expliquer, tant qu’il s’agit de la vie organique, par des principes qui ne sont point doués d’activité psychique, au sens précis et technique du mot ?

Le vilalisme animiste se dislingue nettement de la théorie des psychobiologues, soit parce qu’il n’admet pas la nature proprement psychique de la vie végétative, soit parce qu’il affirme qu’en dehors du vivant, se trouve une intelligence divine qui est la raison dernière de la finalité organique. Cette doctrine, qui place dans l’être vivant lui-même un principe immédiat directeur et régulateur de l’activité vitale, échappe aussi aux objections auxquelles se heurtent le mécanisme ell’organicisine. Comme il ne semble pas impossible de l’adapter aux exigences du transformisme modéré qu’imposent les données scientifiques, c’est à elle que nous nous arrêterons, avec la persuasion que, si elle ne résout pas toutes les difficultés, elle est, comparée aux autres théories biologiques générales, la plus satisfaisante pour l’esprit.

Deuxième Partie

LE TRANSFORMISME ET L’ORIGINE

DE L’HOMME

I. Origine du psychisme humain.

Tous les biologistes qui rejettent à priori la possibilité d’une intervention quelconque de Dieu à l’origine de l’Humanité sont, nous l’avons dit, logiques avec eux-mêmes en cherchant à expliquer l’apparition de l’intelligence par l’évolution progressive du psychisme animal.

Pour ceux d’entre eux qui sont matérialistes et qui nient l’existence de l’âme, la pensée est une fonction du cerveau, à peu près comme une sécrétion l’est d’une glande. Tout ce qui est psychique n’a pour eux aucune réalité propre et autonome, c’est un épiphénomène, un aspect interne des phénomènes physiologiques, rien de plus. Dès lors, le cerveau humain étant plus parfait, plus développé que celui des autres animaux, il n’est pas surprenant que son psychisme dépasse le leur, tout en restant dans la même ligne. Pour atténuer la ligne de séparation entre