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TRANSFORMISME

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ne fit que démasquer la suivante, mais elles se transforment l’une dans l’autre, par un progrès qui est plus qu’émergence de réalités latentes, qui est invention véritable.

M. Le Roy nous avertie lui même qu’il ne faut point prendre le terme d’invention dans le sens d’invention intellectuelle. Fort bien, mais que veut dire exactement, ce terme qu ind on le dépouille de son unique signification ?

On ne veut pas, pour expliquer la finalité dans l’être vivant, d’un principe vital. Par quoi le remplace t-on ?

Pas de principe vital, de force vitale, pas d’abstractions ainsi réalisées, ainsi conçues, quelque nom qu’on leur donna, entéléebie ou autres, à titre d’entités distinctes qui auraient vertu opératoire, plus ou moins capricieuse, plus ou moins capable d’interrompre ou de contrarier le déterminisme } bysico-chiuiique. On a très bien dit que l’introduction de semblable bypothèse, d’ailleurs toute verbale, n’est rien de moins que renoncement à la science. M lis il ne s’ensuit pas ce que trop souvent l’on pense. Permettez-moi une comparaison. L’âme, en somme, n’est j.unais un « quelque cliose » qu’il faudrait conceroir à côté d’autres « eboses » : on aurait beau souligner un contraste, pareille conception resterait matérialiste, au sens même que la discussion de l’exigence idéidiste nous a fait jadis rejeter absolument. L’âme est esprit, c’est-à-dire éian orienté, sens de marche, progrès inverse de ceux qui constituent la matière. Mais l’âme n’est pas pour cela moins réelle que la chose, placée au-dessous de la chose dans l’ordre du réel. De ce qu’elle n’est pas réalité statique, séparée, juxtaposable, il ne résulte nullement qu’elle soit infra-réalité ; au contraire, ainsi que nous l’a fait comprendre l’analyse de la réalité dans la perspective do l’idéalisme fondamental (Op. cit., r. 191).

On ne peut s’empêcher de trouver que beaucoup dr choses, sont ici confondues. Toute âme n’est pas esprit. Un esprit n’est pas un élan orienté. Si l’âme n’est pas un « quelque chose », elle n’est rien, elle n’est pas. Il est par ailleurs impossible d’accorder à M. Le R'>y que toute philosophie digne de ce nom doive en passer par les exigences de l’idéalisme fondamental.

d) L’évolutionnisme animiste. — L’animisme, tel qu’Aristote l’a conçu et que les docteurs médiévaux l’ont développé, semble pouvoir fournir l’explication la plus satisfaisante, non seulement de la vie des organismes individuels, mais aussi de la vie des espèces. Les philosophes de l’antiquité n’avaient point prévu cette extension de leur système, puisqu’en biologie ils étaient flxistes. et jusqu’à présent les néo-scolastiques ont négligé de rechercher comment on pourrait concevoir un animisme transformiste. Nousvoudrions ici en ébaucher les grandes lignes.

On connaît les points essentiels du vitalisme péripatéticien : l’être vivant, d’après ce système, est une substance composée d’un élément matériel déterminn’ile, potentiel, et d’un élément formel, détermina ii, l’àtne. Ces deux constituants ne sont point juxtaposés, ni unis d’une manière simplement dynamique. Ils se communiquent leur être comme deux coprincipes, pour faire véritablement un seul être substantiel. L’àme, principe spécificateur de la matière, possède un certain degré de perfection essentielle relativement immuable ; et il n’est pas concevable, dans le système aristotélicien, qu’il y ait, dans la durée d’un être vivant possédant une même forme, autre chose que des changements accidentels.

Pour expliquer l’évolution ontogénétique de l’embryon humain, saint Thomas, et avec lui beaucoup

d’autres philosophes médiévaux, admettaient qu’il y avait succession de formes ; l’être serait d’abord végétal, puis doué de sensibilité, et ce serait seulement lorsque le foetus prend une apparence humaine qu’il serait animé par une àme spirituelle créée par Dieu. On pense plus généralement aujourd’hui que l’àme spécifique existe dès le moment où un nouvel être est constitué, et que c’est elle qui dirige avec une finalité immanente toute l’ontogenèse. Comment, dans cette hypothèse, comprendre l’apparition de formes nouvelles spécifiquement différentes, telles que semble l’exiger la théorie de l’évolution ? Placer dans l’élément matériel toute la raison d’être de la variât. on, semble impossible. Comment expliquer la permanence souvent fort longue d’un type spécilique, la coordination interne, l’adaptation de tous ces organes, etc. ? C’est ici que les idées modernes sur les phénomènes de la généralion peuvent peut-être servir à compléter les vues des anciens et à émettre une hypothèse permettant d’allier l’hylémorphisme au transformisme.

On sait que la génération se fait, au moins dans un très grand nombre de cas pour les individus pluricellulaires, grâce à des cellules spéciales, les cellules reproductrices. Celles-ci, lorsque la reproduction est asexuée, sont à vrai dire le point de départ, le premier stade d’un nouvel individu. Lorsque la reproduction est sexuée, deux cellules, différenciées en des sens complémentaires, doivent se fusionner pour donner la cellule initiale d’un organisme nouveau.

Il faut bien l’avouer, ces faits posent au philosophe des problèmes difficiles. Les cellules reproductrices sont vivantes, c’est bien évident. Dira-t-on qu’elles ont une vie simplement végétative ? Chez les végétaux, point de difficulté à cela. Chez les animaux, on ne voit aucun motif de leur attribuer la sensibilité. Elles ont donc simplement un principe d’ordre végétatif, susceptible d’amener la genèse d’une àme animale. Certains philosophes recourront peut-être, comme le P. Palmieri, à une intervention de la Cause première pour expliquer l’origine de ce principe d’ordre supérieur à la vie végétative, mais l’opinion commune est mieux fondée qui restreint cette intervention de Dieu à la production des formes spirituelles, qui ne peuvent venir à l’existence que grâce à un acte créateur.

Quoi qu’il en soit, voici comment on pourrait peut-être concevoir, en tenant compte de ce caractère vital des éléments reproducteurs, l’évolution des organismes.

Soit un être vivant de type A ; il produit normalement des cellules reproductives de type a qui, par suite d’une loi naturelle réglant la succession des formes, sont de nature à déterminer la genèse d’individus semblables aux progéniteurs, donc de type A. On peut admettre que, sous l’influence de facteurs variés internes et externes, un ou plusieurs individus A présentent des modifications dans les lignées cellulaires aboutissant aux cellules reproductrices. Ces modifications ne peuvent pas être considérées comme d’ordre purement matériel ; dans l’hypothèse vitaliste, elles supposent des changements portant sur les principes vitaux des cellules reproductrices. Celles-ci, au lieu d’être du type a, seront légèrement différentes et appartiendront biologiquement à un type nouveau, a’. Ces cellules seront désormais aptes à déterminer la genèse d’individus de type A’légèrement différents des progéniteurs de type A. Ainsi de proche en proche, on peut concevoir qu’il y ait apparition, par mutation, de types de plus en plus différents de A : A", A", etc.