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TRADITION ET MAGISTÈRE

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nature des sacrements. Les Apôtres avaient reçu de Jésus l’ordre de prêcher la doctrine révélée : ils obéirent à leur Maître, et c’est de vive voix qu’ils communiquèrent le dogme révélé aux Eglises qu’ils fondèrent. Après eux, leurs successeurs firent de même, en sorte que la doctrine contenue dans les Ecritures nous est parvenue par un moyen indépendant des Ecritures elles-mêmes. C’est donc que l’objet de l’Ecriture et de la Tradition coïncide en certains points.

a) Cet objet diffère totalement sous d’autres rapports. — Nous avons démontré l’existence de traditions divines objectivement distinctes des Ecritures. Il y a donc des vérités révélées qui sont exclusivement l’objet de la Tradition, c’est-à-dire, ne se trouvent nullement dans les Ecritures. D’autre part, l’Ecriture transmet des vérités qui ne sont pas l’objet de traditions objectives.

L’Ecriture contient une double catégorie de vérités inspirées : les unes ont trait directement au dogme ou à la morale ; d’autres sont par elles-mêmes indifférentes au point de vue dogmatique ou moral, mais ont été inspirées par l’Esprit-Saint, pour que les livres de l’Ecriture eussent, avec leur autorité divine, une autorité historique et humaine. Les vérités de la première classe sont appelées par saint Thomas rêvelata propter se, les autres revelata per accidens. Les revelata per accidens, ce sont les détails chronologiques ou historiques qui encadrent dans nos saints Livres les vérités proprement dogmatiques. L’Ecriture seule, à l’exclusion de toute tradition divine objective, nous transmet ces détails.

Si l’on considère la Tradition au point de vue actif, on peut dire avec vérité que même les vérités révélées per accidens ou par concomitance nous sont transmises par la Tradition, mais seulement d’une façon médiate.

IV.

Magistère ordinaire et extraordinaire db l Eglise

L’Eglise enseigne de deux façons : par son magistère ordinaire et par son magistère extraordinaire.

I. — Le magistère extraordinaire de l’Eglise s’exercepar les déûnitions solennelles soit desPapes, parlant ex cathedra, comme chefs suprêmes de l’Eglise, soit des conciles oecuméniques. Les déûnitions du Pontife Romain et des Conciles généraux sont infaillibles en matière de foi et de mœurs.

Certains actes de l’Eglise se réfèrent, dans une certaine mesure, au magistère extraordinaire, par la précision de leur teneur et la solennité relative de leur exercice. Ce sont les enseignements des Papes et des Conciles qui ne revêtent pas un caractère définitif, puis encore les décisions doctrinales des Congrégations Romaines. On peut les considérer comme des formes secondaires du magistère ecclésiastique ordinaire. (MangenoI, Dict. de Théol. cathol. Art. Interprétation de l’Ecriture.")

II. — Le magistùre ordinairr de l’Eglise est un mode d’enseignementqui est exercé quotidiennement dans le monde par le Pape et par le corps de l’épiscopat. Le Pape et les Evêques légitimes, dispersés dans l’univers, constituent l’Eglise enseignante ; les théologiens et les prêtres qui enseignent au nom des évêques et sous leur dépendance, sont comme des échos et des instruments du Pape et des Evêques.

a) Le magistère ordinaire de l’Eglise jouit de l’infaillibilité quand les organes en sont universellement unanimes et enseignent une doctrine, une pratique du domaine de la foi ou des mœurs.

6) Le magistère’ordinaire s’étend à toute la doctrine

chrétienne. Il l’exprime par des enseignements explicites, parmi lesquels les écrits des Pères ont un rôle très considérable, avec les symboles, les professions de foi, les catéchismes. Il la manifeste également par des enseignements implicites qui résultent principalement de la discipline et delà liturgie. Il l’affirme enfin par une proposition tacite de tout ce qui a été cru depuis le temps des Apôtres et det out ce qui est renfermé dans l’Ecriture Sainte et les monuments de la Tradition.

V. — De l’autorité des Pehes de l’Eglise

L’un des principaux moyens qui nous servent à reconnaître la Tradition divine est le témoignage des Pères de l’Eglise.

I. Pères de l’Eglise. — A l’origine, ce mot * Père », oui saint Père » était réservé aux évêques. On l’appliqua plus tard aux écrivains ecclésiastiques de l’antiquité. Saint Vincent de Lérins, dès 434, ne reconnaît pour Pères véritables que ceux qui, dans leur doctrine, sont restés inviolablement fidèles à la fui de l’Eglise, et qui dans leur vie ont été, jusqu’à leur dernier soupir, des modèles de vertu chrétienne. Et l’Eglise elle-même dans sa pratique n’a honoré du nom de Pères que les écrivains dont la rigoureuse orthodoxie, comme la sainteté, répondaient pleine* ment au portrait tracé par saint Vincent de Lérins dans son Commonitoire.

Depuis qu’il est passé en usage de réserver ce titre aux écrivains des premiers âges, on ne le donne d’ordinaire qu’à ceux qui réunissent quatre conditions : l’orthodoxie de la doctrine, la sainteté de la vie, l’antiquité, l’approbation de l’Eglise ; et l’idée d’un Père ne s’ofïre à nous qu’avec ce quadruple caractère.

Les autres auteurs de l’antiquité qui professentet défendent dans leurs livres la foi de l’Eglise, n’ont droit qu’au titre d’écrivains ecclésiastiques, Tertullien et Origène, par exemple.

IL Autorité des Pères. — Quand on se demande quelle est l’autorité des Pères de l’Eglise, et, si véritablement ils ont été les interprètes de la Tradition catholique dans l’exposition de la doctrine révélée, on peut considérer trois hypothèses :

i. Dans la première hypothèse, nous nous trouvons en présence de l’opinion de tel ou tel Père pris isolément. Nous devons alors respecter ce sentiment dans une mesure proportionnée à l’antiquité, à la science, à la sainteté du Père qui est en cause. Cependant, si de sérieux motifs le réclament, nous pouvons n’être pas de son avis.

L’infaillibilité, en effet, n’a été nullement promise à chacun des Pères pris isolément : voilà pourquoi tel d’entre eux a pu se tromper : saint Cyprien, par exemple, lorsqu’il prétendait que le baptême conféré par les hérétiques n’était pas valide.

2. Nous pouvons considérer l’hypothèse d’un désaccord entre les Pères, sur un point de doctrine ; nous n’aurons alors à considérer leurs témoignages que comme de simples probabilités.

3. Dans l’hy pothèseoù les Pères s’accordent moralement à témoigner de tel point de la doctrine révélée, leur autorité est absolument irréfragable : ils sont, dans ce cas, les témoins authentiques de la Tradition divine.

On peut suivre une double méthode pour établir l’existence du consentement unanime des Pères :

a) La méthode directe consiste à passer en revue les témoignages qu’il donnent ;

b) Une autre méthode, indirecte il est vrai, mais plus pratique, consiste à procéder par induction, en s’appuyant sur quelques témoignages.

L’accord des Pères est démontré : — i) Si les plus